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Toutes les caisses sociales sont menacées d'être dissoutes !

 

7/6/03 Claude Reichman
Non seulement le monopole de la sécurité sociale est supprimé, mais encore la plupart des caisses d'assurance maladie et de retraite françaises risquent fort d'être purement et simplement dissoutes ! C'est ce qui résulte d'un arrêt du 21 mai 2003 de la cour d'appel de Bordeaux. Statuant sur un litige opposant un exploitant agricole à la caisse de mutualité sociale agricole de la Dordogne, la cour a relevé que les articles 4 et 5 de l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001, qui a abrogé l'ancien code de la mutualité et promulgué un nouveau code transposant les directives européennes 92/49/CEE et 92/96/CEE, donnent aux mutuelles un délai d'une année pour se conformer aux dispositions du Code de la mutualité et disposent que les mutuelles qui n'auront pas accompli les démarches nécessaires à leur inscription au registre prévu par l'article L. 411-1 du Code de la mutualité dans le délai susvisé sont dissoutes.
Or, note la cour, " si la caisse de mutualité sociale agricole de la Dordogne justifie de l'approbation de ses statuts par arrêté préfectoral du 8 janvier 2003, elle ne démontre pas son inscription au registre national des mutuelles, unions et fédérations. Il y a lieu en conséquence d'ordonner la réouverture des débats afin de permettre à la caisse de mutualité sociale agricole de la Dordogne :
- de justifier de son inscription au registre national des mutuelles, unions et fédérations,
- de s'expliquer, au regard des dispositions des articles 4 et 5 de l'ordonnance
n° 2001-350 du 19 avril 2001 sur la tardiveté de la mise en conformité de ses
statuts. "
Selon nos informations, la caisse de mutualité sociale agricole de la Dordogne n'a pas effectué les démarches nécessaires pour solliciter son inscription au registre national des mutuelles, union et fédérations. Elle risque donc fort de se voir dissoute, tout comme la quasi-totalité des caisses sociales françaises qui n'ont pas plus qu'elle demandé leur inscription. Il faut savoir en effet que toutes ces caisses sont régies par le code de la mutualité. Comment ont-elles pu se mettre dans cette incroyable situation ?

Un formidable séisme

Tout simplement elles ont tenté de prolonger le mensonge d'Etat vieux de plus de dix ans qui voulait que la sécurité sociale française ne fût pas concernée par les directives européennes de 1992. Ce qu'elles n'ont pas compris, c'est que la transposition, très tardive, par la France de ces directives allait bouleverser la donne, puisque la justice française est désormais contrainte d'appliquer la loi. C'est ce qu'a fait la cour d'appel de Bordeaux, tout comme le tribunal de grande instance de Nîmes en avril dernier.
Et c'est ce qui rend de plus en plus surréaliste le débat actuel sur la réforme de la sécurité sociale. On vient de voir ainsi la Fédération française des sociétés d'assurance se dire prête à concurrencer la sécurité sociale…mais pour certains risques seulement. Or il suffit de lire les lois de 1994 et de 2001 qui transposent les directives de 1992 pour constater qu'elles visent l'ensemble des risques sociaux " branche entière ".
Il est incroyable qu'on en soit encore, en France, à penser qu'on peut faire sa petite cuisine à sa manière sans se soucier le moins du monde de la loi ! Il est vrai que celle-ci n'est, de façon générale, respectée par les organismes officiels que quand cela les arrange et qu'une véritable culture de l'impunité a progressivement gagné toutes les sphères de pouvoir dans notre pays. Mais de même qu'en matière financière la justice a fini par s'intéresser à ces dérives scandaleuses et par les sanctionner, de même elle ne peut plus ignorer les textes européens transposés dans le droit national. En les appliquant, elle est en train de déclencher un formidable séisme. C'est d'ailleurs le terme même qu'utilisait à l'intention des magistrats d'une cour d'appel, il y a quelques années, le procureur de la République pour les inviter… à ne pas appliquer la loi, ce qu'ils firent docilement. Il est vrai qu'à l'époque les lois en question n'étaient qu'européennes et qu'on pouvait, si l'on était de mauvaise foi, encore feindre de croire qu'elles ne concernaient pas la France. C'est ainsi que le monopole de la sécurité sociale a pu survivre quelques années de plus, massacrant allègrement les entreprises et l'emploi au seul profit des bureaucraties syndicales dont les caisses sociales sont la chasse gardée et le pourvoyeur essentiel de leurs ressources.
Mais tout a une fin, et celle-ci risque fort de prendre désormais un tour dramatique pour ceux qui ont vécu pendant trop d'années sur la bête. En fait, c'est tout le système étatique français qui est en train de s'effondrer. Il est fondé sur la contrainte et le pillage des ressources des citoyens, afin de transformer ceux-ci en assistés dociles, ne faisant pas courir de danger au pouvoir. Le résultat en a été l'effondrement économique auquel nous assistons en ce moment, la violence et l'anarchie qui envahissent progressivement les relations individuelles et collectives dans notre pays, et la déliquescence politique qui voit un pouvoir élu par défaut et avec une majorité aussi massive qu'artificielle se montrer incapable de faire face aux défis auxquels la France est confrontée.
L'heure est grave assurément, car le pays peut s'embraser à tout moment. Jamais autant qu'aujourd'hui la responsabilité de chacun de nos compatriotes n'a été aussi fortement engagée. C'est sans doute pour cela qu'ils ne songent qu'aux loisirs ! Mais comme le disait Rimbaud, " on ne part pas " ! Il est des moments où il vaut mieux écouter les poètes que les politiciens.

Claude Reichman

L'arrêt du 21 mai de la cour d'appel de Bordeaux peut être consulté sur le site www.claudereichman.com

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