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Le régime est sur la paille

17/5/03 Claude Reichman
La France vient de vivre un nouveau 13 mai. Celui de 1958 avait provoqué la chute du régime. Celui de 2003 aura les mêmes conséquences. La IVème République est tombée sur l'Algérie parce qu'elle a été incapable de résoudre le problème de la décolonisation et qu'elle s'est trouvée confrontée à un groupe puissant et décidé, celui des Français d'Algérie, alliés à l'armée. La Vème République est aujourd'hui face à la nécessité de réformer le système social français, dont le pays n'est plus capable de supporter le coût, et se trouve confrontée à un groupe encore plus puissant et décidé que celui des pieds-noirs, à savoir celui des fonctionnaires. Ceux-ci sont les principaux bénéficiaires du système. Outre la garantie de l'emploi, ils ont des retraites très avantageuses, qu'ils peuvent prendre bien avant les salariés du secteur privé, et ne paient que très peu de cotisations sociales, voire pas du tout.
Aucun gouvernement ne peut réduire drastiquement la protection sociale du secteur privé sans s'attaquer, fût-ce symboliquement, aux privilèges du secteur public. C'est ce que vient de tenter M. Raffarin. Il a été sèchement renvoyé dans ses buts par l'armée des fonctionnaires, qui ne veut rien entendre. Pourtant le premier ministre avait été plus que prudent. Instruit par l'expérience de M. Juppé en 1995, il s'était bien gardé d'inclure dans sa réforme les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux de la SNCF et de la RATP. Or ce sont les salariés de ces entreprises qui se sont portés à la tête du front du refus et qui, une fois de plus, ont pris les Français en otages en les privant de moyens de transport. Mais les autres fonctionnaires, notamment ceux des écoles et des hôpitaux, n'ont pas été en reste et le pays a été en grande partie paralysé, non parce que le secteur privé s'était lui aussi mis en grève, mais parce qu'il a été empêché de travailler.
Ce n'est pas parce que certains syndicats, comme la CFDT, ont finalement accepté de faire un geste que M. Raffarin réussira sa réforme, qui de toute façon ne changeait presque rien. Il ne peut réussir car M. Chirac n'en a pas reçu mandat des Français. Il n'a été élu que pour faire obstacle à Le Pen, et n'avait rien à proposer au pays, sinon des mots creux. Le voilà aujourd'hui face à lui-même et au vide sidéral de sa nombreuse majorité.

Au bord de la crise de nerfs

On a laissé se développer en France un secteur public monstrueux. Nous avons deux fois plus de fonctionnaires que les pays comparables. Il faut donc réduire de moitié le secteur public pour faire face à la concurrence internationale. C'est aussi la seule solution pour tenir les engagements pris envers nos retraités. C'est ce que j'ai proposé quand j'ai été candidat à l'élection présidentielle. J'ai été empêché de le faire savoir aux Français par la coalition des politiciens professionnels et des médias à leurs ordres, qui n'ont pas donné le moindre écho aux idées que je défendais alors que c'était leur devoir légal et démocratique. Qu'on ne s'étonne pas, aujourd'hui, de voir notre pays plongé dans la crise et le désarroi. Connaît-on un seul problème grave et difficile, dans un seul pays au monde, qui ait été résolu par la suppression de tout véritable débat et l'étouffement de toute authentique proposition de réforme ?
Pour réformer, il faut en avoir reçu mandat du peuple, surtout quand on a affaire à des adversaires puissants, résolus et organisés. Le gouvernement actuel ne dispose d'aucun mandat de réforme. Il ne peut donc qu'échouer. Et son échec ne peut que se traduire par une grave crise sociale et politique. Le pays est à la dérive. On n'entend, venant des officiels, qu'ils soient politiciens, syndicalistes ou journalistes, que des propos insensés. La majorité du peuple n'y comprend plus rien, sauf qu'on cherche à lui cacher bien des vérités gênantes.
En dépit de leur évidente apathie, les Français sont au bord de la crise de nerfs. Le plus banal incident peut à tout moment déclencher une émeute. On a toujours tort de faire confiance aux volcans assoupis. La violence est inhérente à la nature humaine. Elle éclate quand les solutions raisonnables sont devenues impossibles ou qu'on n'en aperçoit plus. Tel est hélas l'avenir prévisible de notre pays.
Des malheurs qui vont s'abattre sur nous sont responsables au premier chef les politiciens et les journalistes. Les uns et les autres sont des irresponsables et des apprentis sorciers. Il faut les voir pérorer et se rengorger, tout au bonheur d'être entre eux et de se trouver beaux, intelligents et puissants. Ah ! comme ils jouissent de leur notoriété ! Pas difficile : ils se sont enfermés à double tour dans leurs bastilles médiatiques et les voix du pays n'y parviennent jamais. Mais ce système est sur la paille. Celle qu'on étendait sur le sol des demeures pour assourdir les bruits et ne pas troubler les derniers moments des malades. Depuis de longues semaines, le général Franco, chef de l'Etat espagnol, agonisait. Lors d'une réunion du gouvernement, quelqu'un entra et annonça : " Franco est mort ! ". " Oui, s'écria alors un ministre, mais qui va aller le lui dire ? " Pour le régime français, voilà qui est fait !

Claude Reichman

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