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Témoignage : Pourquoi je déteste tant la Sécu (et merci de nous en avoir débarrassés)

4/5/04 J. M. Trapp
J'ai démarré mon commerce de restauration ambulante le premier avril 1982 tout en le nommant " Le Pingouin ". Vu la tête du greffier de justice, je me doutais que cela ne faisait pas très sérieux.
S'il avait pu se douter que toute ma fortune se résumait à un vieux tube Citroën de boucher, payé avec trois chèques dont j'espérais l'encaissement le plus tard possible, vu qu'ils étaient sans provision, que je n'avais encore jamais eu de véhicule à moi, que je ne savais ni cuisiner ni où j'allais m'installer et que mon seul espoir était de trouver une petite plage dans le Sud, il m'aurait certainement fait enfermer.

Je venais de passer dix ans à me balader en Asie, je ne voulais plus supporter un patron, et pourvu que je puisse bouffer...
Pauvre naïf, c'était compter sans la rapacité d'un Etat qui avait fait tant de promesses qu'il allait me faire payer très cher sa prétendue générosité.
A cette époque, la politique m'intéressait peu et j'étais plutôt content de savoir que des gens venaient de prendre le pouvoir en parlant de liberté, de radios libres et de la fin prochaine du grand capitalisme.

Pour des débuts difficiles, je n'aurais pas pu rêver mieux. Plage pratiquement déserte (eh oui, à l'époque, cela existait encore) et l'hiver, en premier une bonne station, mais j'étais relégué sur un terrain vague presque à la sortie, puis une autre, où cette fois-ci j'étais très bien placé, mais où il n'y avait pratiquement jamais de neige.
Les six premiers mois, je me contentais de foutre à la poubelle toute la paperasserie que je recevais: la Sécu, je m'en suis passé pendant dix ans, alors je peux encore continuer. La retraite, pour l'instant j'ai d'autres soucis, et l'Urssaf, qu'est-ce que c'est que ce machin, je ne vois vraiment pas à quoi cela sert!

Quand les menaces ont commencé à se faire plus précises et que j'ai porté quelque intérêt à ces papiers, ils m'étaient apportés par un monsieur bien costumé, bien cravaté, avec un air bien désolé, mais était-ce par sympathie ou plutôt parce qu'il n'avait rien à me voler ?
Enfin bref, j'appris à ce moment là de combien la société avait l'intention de me sucer, de me pressurer, de me faire payer cet esprit d'indépendance qui m'a toujours animé.
Ces charges, (elles ne peuvent pas savoir comme elles méritent bien leur nom,) étaient augmentées de 10 % dès le premier jour de retard, plus 3 % chaque trimestre et je devais même payer le monsieur qui me les avaient si complaisamment apportées !

La vie est cependant faite de plein de surprises, puisque je réussis à reculer l'échéance d'encore plus d'un an.
Premier bureau: l'URSSAF! Mignonne secrétaire nouvellement formée, cerveau pas encore formaté par cet esprit compartimenté qui est de règle chez les fonctionnaires, et à laquelle je n'avais que mon sourire à présenter pour toute forme d'explication. Son œil s'allume d'une pétillante lueur où perce un peu plus que de la compréhension, elle prend mon dossier sur le dessus d'une pile monumentale et avec un sourire me le remet, puis l'enfouit tout, tout en dessous : " C'est tout ce que je peux faire, mais vous avez gagné au moins six mois de tranquillité. "

Sécu: premier passage au tribunal grâce à la plus belle invention de la société française.
J'avais une fidèle cliente qui passait tous ses week-end chez moi et dont j'appréciais particulièrement la plastique, vu que j'étais sur une plage naturiste. Elle me servait plutôt de rabatteuse et n'arrêtait pas de me faire connaître des gens différents qui venaient s'encanailler chez moi tout en appartenant à un milieu social assez élevé, que j'ai deviné, non pas grâce à leurs habits, mais bien à leurs voitures et leurs bijoux.
Retour au tribunal, moi qui n'avais jamais volé quelqu'un de ma vie. Je suis le mouvement et me lève lorsque passe une femme en grand manteau noir qui s'installe face à moi à son imposant bureau.
Nos yeux se croisent, nos deux mains partent avec la même vivacité pour essayer d'étouffer un début de fou rire : c'était ma jolie cliente !
Retour sur la plage : " Tu sais, je n'ai rien pu faire pour toi, juste mettre ton dossier en attente. "

Ouais, deux à zéro contre l'administration ! Malheureusement, ceci n'allait pas durer.
Le plus vicieux est qu'à ce moment là, j'aurais pu payer les charges que je recevais tous les trois mois, aussi régulièrement qu'un métronome, mais il était bien précisé que je ne pourrais être assuré que le jour où j'aurais tout remboursé. Comme je ne pouvais pas, j'ai laissé courir.

Quelque temps plus tard, ma mère vend sa maison, ce qui s'est passé en l'espace d'une journée, sans publicité, vu que la mairie était preneuse.
Le notaire : " Madame, la part revenant à votre fils est bloquée en attendant son passage au tribunal. " (Entre temps, j'avais obtenu un sursis du tribunal de Vesoul, avec un échéancier), mais l'administration commençait à s'échauffer.
Comme mon siége social était à Vesoul, que je travaillais l'été près de Perpignan et l'hiver dans le Jura, ils m'ont convoqué aux trois tribunaux en l'espace de quinze jours, et c'est celui auquel je n'ai pas pu me rendre qui m'a condamné à toutes les peines, retard, frais de justice, frais d'huissier et amendes les plus abracadabrantesques qu'ils ont pu trouver.
Ma victoire était de courte durée ...

Trois ans plus tard, mes finances allant mieux, mais mon sens des affaires encore pas très aiguisé, j'achète un terrain commercial, le mieux placé en haut des pistes à Camurac (dans l'Aude) pour en faire un restaurant panoramique surmonté d'un hôtel. C'était ma première saison en temps que gérant d'une salle communale et j'obtiens un bail de cinq ans sur celle-ci, en plus de mon projet. Vu que ma vie est une longue suite de rigolade, vous devinez ce qui va m'arriver ! J'ai fait tout cela la seule année où il y a eu vraiment de la neige et vous n'imaginez pas les belles vacances que j'ai passées tout seul, les cinq années suivantes, là-haut sur ma montagne (les habitants m'avaient même surnommé Jésus, mais je n'ai jamais rencontré de disciples)

Résultat, revente de mon terrain, à perte mais j'étais déjà bien content de pouvoir m'en débarrasser, et de nouveau devant un notaire.
Assis en face de lui, mon acheteur à côté de moi, on signe et il commence à remplir mon chèque. Le notaire : " Désolé, M. Trapp, ce chèque ne vous appartient pas, j'ai en main propre (je n'ai pas vérifié, mais passons) et pour mission de bloquer votre transaction car la Sécu pense encore à vous. " Je dois reconnaître que cette constance dans la fidélité m'a surpris, alors que je n'avais plus entendu parler d'eux depuis de longues années, mais cette fois-ci, c'était bien deux à zéro pour l'administration.
Résultat: Pour un pays qui prône l'égalité, la justice sociale et se vante d'avoir le meilleur système de santé au monde, j'ai été obligé de payer pendant cinq années une prestation à laquelle je n'ai jamais eu droit.

Quand je vois que certains critiquent tant les Etats-Unis et leur système social, je me dis que si j'avais habité là-bas, et non en France, je n'aurais pas été assuré, mais on ne m'aurait rien volé et avec cet argent j'aurais pu m'acheter un commerce en dur, et certainement enfin m'assurer, pour beaucoup moins cher qu'ici.

Heureusement, d'autres m'ont vengé, et je les remercie. Alors maintenant, faites comme moi. J'ai imprimé le dossier (sur la fin du monopole de la Sécu) et je le distribue à tous les petits commerçants que je connais. A chaque fois je repense à cet adage : La vengeance est un plat qui se mange froid. C'est pourquoi je l'apprécie doublement.
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