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30/11/07 Claude Reichman

Il n’y a pas de droits acquis dans la retraite par répartition

Au moment où le problème de la retraite des Français, fondée sur le système de la répartition, connaît, à l’occasion de la réforme des régimes spéciaux, une crise spectaculaire, il n’est pas inutile de rappeler que dans un tel système il n’y a pas de droits acquis. C’est ce qu’avait jugé le 13 février 1996 le tribunal de grande instance de Paris (1ère Chambre, 1ère Section, 1.03.10/94), saisi par des retraités du régime de retraite des banques qui réclamaient l’annulation d’un accord signé entre leurs organismes de retraite et leurs syndicats et qui remettait en cause le montant de leur retraite.

Les attendus de ce jugement, que nous reproduisons ci-après, ont le mérite d’être aussi clairs qu’implacables :

« Attendu que le régime de retraite des cadres de banque, élaboré en 1947 par la voie de la convention collective, repose exclusivement, à ce jour, sur le système de la répartition ;
Que ce mécanisme, choisi par les partenaires sociaux, implique nécessairement l’existence d’une solidarité entre les générations et que soit en permanence respecté l’équilibre financier entre cotisations et prestations ;
Qu’y sont associés à la fois les salariés et les retraités qui doivent tous être considérés comme les participants au régime ;
Attendu que les accords collectifs créant un régime de retraite complémentaire sont susceptibles de révision, et qu’ainsi a pu être signé l’accord litigieux ;
Que celui-ci, dans certaines de ses dispositions, modifie sensiblement les droits des retraités et constitue, ainsi que s’accordent à le reconnaître l’ensemble des parties à l’instance, une réduction de certains avantages dont bénéficiaient auparavant les retraités ;
Que les demandeurs soutiennent que ces modifications sont contraires à la loi, en ce qu’elles portent atteinte à leurs droits acquis et violent les principes de non rétroactivité et du droit de propriété ;
[ …]
Attendu que la liquidation des droits à la retraite ne peut être considérée comme créatrice de droits intangibles, alors qu’elle ne constitue qu’une étape technique destinée à marquer la cessation du paiement des cotisations, et à ouvrir les droits à pension de l’intéressé ;
Que l’intangibilité des droits à retraite liquidée, qui n’est consacrée par aucun texte, se révèle incompatible avec la notion même de retraite par répartition, qui repose, toute entière, en l’absence de disposition complémentaire, sur le principe de la solidarité entre actifs et retraités et qui exclut que la charge de l’équilibre du régime ne s’impute que sur une seule partie des intéressés, à savoir les cotisants ;
Attendu qu’ainsi c’est à tort que les demandeurs invoquent à l’appui de leur demande la violation de leurs droits acquis ;
Qu’ils ne sont pas plus fondés à soutenir que les dispositions attaquées porteraient atteinte au principe de non rétroactivité, alors qu’il s’agit en l’espèce de mesures d’application immédiate qui affectent l’ensemble des prestations servies aux retraités, mais qui n’entraînent aucun effet rétroactif sur les allocations déjà versées ;
Que de même, compte tenu de la nature juridique du système de la répartition, et pour les motifs susvisés, ils ne peuvent se prévaloir d’un droit de propriété sur leur retraite, une telle notion ne pouvant trouver application que dans l’hypothèse d’un régime de retraite par capitalisation ;
Attendu qu’en conséquence la demande d’inopposabilité de certaines dispositions de l’accord en cause formulée tant pas les retraités que par leurs associations et par la Fédération CGT sera rejetée ;
Par ces motifs :
Rejette les demandes. »

Il ressort de ce qui précède que les bénéficiaires des régimes spéciaux auraient été mieux inspirés de les fonder sur la capitalisation, ce qui les rendrait aujourd’hui propriétaires de leurs retraites. La même remarque vaut d’ailleurs pour l’ensemble des retraités du secteur privé. Seuls les fonctionnaires peuvent aujourd’hui se prévaloir d’une garantie de retraite, celle que leur fournit l’Etat. Encore faut-il que celui-ci ne soit pas en faillite, comme l’a fait observer le premier ministre, M. Fillon.

Bref, tous les Français sont aujourd’hui dans une situation catastrophique au regard de leur retraite en raison du choix collectif qu’on leur a imposé (sans que les citoyens aient jamais été invités à donner leur avis) en faveur de la retraite par répartition. La priorité est donc de baisser les dépenses publiques pour permettre à l’Etat de faire face à ses obligations morales, notamment vis-à-vis de l’ensemble des retraités, que va spolier l’effondrement de la répartition, et aux Français encore en activité de se constituer au plus vite une retraite par capitalisation.

Mais le plus désastreux, au regard de l’égalité qui, rappelons-le, est un des trois piliers officiels de la République, c’est que les seuls droits vraiment acquis dans notre pays sont ceux que l’on peut conserver grâce à la capacité de nuisance et aux moyens de pression dont on dispose. C’est ainsi - pour prendre un exemple entre mille - que les veuves de travailleurs du secteur privé ne peuvent bénéficier que sous conditions de ressources de la réversion de pension de leur conjoint décédé, alors que celles des fonctionnaires ont droit à une réversion pleine et entière quelles que soient leurs ressources.

Comme rien n’indique que l’Etat soit prêt à diminuer les dépenses publiques, la France s’achemine inéluctablement vers la faillite et le chaos. Dont le premier effet sera de faire disparaître tous les droits acquis. Une punition collective finalement bien méritée !

Claude Reichman
Président du MLPS.

 

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