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6/12/11 | Claude Reichman |
Monopole de la sécurité sociale Au Club LCI, j’ai fait craquer Henri de Castries et Michel Sapin ! Le Club LCI est l’une des émissions phares de la télévision française. Consacrée aux problèmes économiques et sociaux, elle est dirigée par l’un des meilleurs connaisseurs de ces disciplines, Eric Revel, qui par ailleurs dirige avec brio cette chaîne d’information. L’émission est diffusée en direct une fois par mois, et elle se poursuit en « off », c’est-à-dire sans caméras, par un dialogue entre les intervenants et l’assistance, composée de 200 personnalités du monde économique. A l’émission du 5 décembre 2011 étaient invités Michel Sapin, ancien ministre de l’Economie et des Finances, actuellement responsable du programme de François Hollande à l’élection présidentielle, et Henri de Castries, PDG de l’assureur Axa. J’avais décidé d’intervenir dans la partie « off » de l’émission, où l’on dispose de plus de temps pour exposer un sujet, sachant que par ailleurs la rédaction de LCI pourrait se faire l’écho des propos ainsi tenus hors antenne mais en public. J’ai donc interpellé MM. Sapin et De Castries dans les termes suivants : « Monsieur Sapin, le 19 avril 2001, le gouvernement de Lionel Jospin, dont vous faisiez partie en tant que ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, a pris une ordonnance qui achevait la transposition dans le droit français des deux directives européennes de 1992 réformant la protection sociale. Or depuis plus de dix ans maintenant, ces lois ne sont pas appliquées. Que pensez-vous de cette situation ? Quant à vous, Monsieur De Castries, vous avez, au Grand Jury RTL – LCI – Le Figaro du 27 mars 2011, déclaré qu’il fallait « inventer une forme de protection sociale moderne », où l’Etat définit les règles et laisse ensuite les opérateurs privés les appliquer avec le meilleur service possible. Vous avez ajouté que « ça existe déjà en responsabilité civile automobile, qui est une assurance obligatoire dès lors qu’on a une automobile. Tout le monde est obligé de s’assurer. Est-ce que le secteur est mal géré ou peu compétitif ? Je pense que personne ne le dirait. » Or, Monsieur de Castres, le système que vous avez décrit existe en France. Il est dans nos lois depuis plus de dix ans. Est-ce que vous le savez ? Sinon, il faut croire que votre prédécesseur Claude Bébéar n’a pas cru devoir vous en informer, alors même qu’il m’avait invité à en exposer les grandes lignes devant son état-major. » Michel Sapin m’a répondu : « Vous me reprochez une année sur dix en somme ? » Je lui ai précisé que le reproche ne s’appliquait pas au gouvernement Jospin (qui avait au demeurant obtenu de la Commission européenne l’autorisation de ne faire entrer ces lois en application qu’à la fin de 2002), mais à ceux de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. L’ancien ministre de Lionel Jospin a poursuivi en indiquant que la réforme de la protection sociale devait, selon lui, se faire en "conservant un socle de solidarité", réponse vague car la solidarité peut aussi bien s’inscrire dans un cadre de liberté qu’être le masque de la plus odieuse contrainte. Henri de Castres a, quant à lui, tenté tout d’abord de raconter que ses propos du Grand Jury ne concernaient que l’assurance dépendance, alors même qu’ils étaient de portée générale et visaient à « inventer une forme de protection sociale moderne », mais a concédé qu’il maintenait les principes ainsi exprimés. - Henri de Castries, lui ai-je lancé, savez-vous que ces principes sont
dans les lois françaises ? Ainsi s’est achevé ce bien intéressant débat public. Néanmoins, il me restait à faire avouer Michel Sapin plus clairement. Le pot traditionnel qui clôture la soirée en fut l’occasion. Abordant, devant plusieurs témoins, l’homme qui pourrait devenir ministre des Finances en cas d’élection de François Hollande, je lui demandai : - L’ordonnance Jospin de 2001 a donné lieu à d’intenses débats au sein du
gouvernement. Vous en souvenez-vous ? Vous imaginez à quel point l’idée de devenir conseiller d’un gouvernement socialiste m’a fait frétiller d’aise, moi qui n’ai jamais été socialiste si peu que ce soit de toute ma vie. « Verba volant, scripta manent ». Les paroles s’envolent, les écrits demeurent. D’où cet article. Claude Reichman
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