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21/3/10 Bernard Martoïa

Quand Le Monde annonce la fin de l’Etat-providence !

«Les faits ne cessent pas d’exister parce qu’ils sont ignorés » Aldous Huxley

L’abstention, victorieuse au premier tour des élections régionales, devrait se confirmer au second. Pour les tenants de l’école autrichienne, c’est le signe encourageant que la majorité des Français ne font plus confiance au président de la République, à son gouvernement et aux partis d’opposition, même si ces derniers se réjouissent de leur victoire à la Pyrrhus.

La majorité silencieuse est en train de réaliser qu’elle a été bernée. Elle rumine de mauvaises pensées. Qui pourrait la condamner ? Une minorité fera peut être l’effort de comprendre pourquoi un plan de relance keynésien ne fait qu’aggraver le mal. Mais pour la majorité des sceptiques et des fainéants qui attendent toujours la becquée, c’est la triste résignation après les promesses non tenues du président de la République.

Il fallait oser se poser en défenseur du pouvoir d’achat. Il l’a fait ! Mais il ne suffit pas d’avoir du culot et du bagout pour se sortir d’une crise aussi grave. Comme le disait Abraham Lincoln, qui est le plus grand président des États-Unis après George Washington, « on peut tromper certains tout le temps, on peut tromper tout le monde un certain temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps».

La propagande trouve ses limites…

Voici ce qu’écrivait en 1924 un grand expert dans sa cellule de la prison de Landsberg am Lech : « La faculté de la grande masse n’est que très restreinte, son entendement petit, par contre son manque de mémoire est grand. Donc toute propagande efficace doit se limiter à des points fort peu nombreux et les faire valoir à coups de formules stéréotypées aussi longtemps qu’il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l’idée. Si l’on abandonne ce principe et si l’on veut être universel, on amoindrira ses effets, car la multitude ne pourra ni digérer ni retenir ce qu’on lui offrira

Cet intérêt particulier de l’auteur était né d’une frustration : « Mais c’est seulement, pour la première fois, au cours de la guerre, que je pus me rendre compte à quels prodigieux résultats peut conduire une propagande judicieusement menée. Ici encore, toutefois, il fallait malheureusement tout étudier chez la partie adverse, car l’activité de notre côté restait sous ce rapport plus que modeste. Mais précisément l’absence complète d’une propagande d’envergure du côté allemand devait crûment sauter aux yeux de chaque soldat. Tel fut le motif pour lequel je m’occupai encore plus à fond de cette question.» (1) Pour l’ancien combattant, la défaite était imputable, en partie, à la répugnance des autorités politiques de son pays à recourir à cette arme psychologique que maniaient si habilement les Alliés, et notamment l’Angleterre, pour saper le moral de l’armée impériale allemande.

Une brèche vient de s’ouvrir dans la forteresse de la pensée unique

Dans sa chronique hebdomadaire du Monde, (2) Pierre-Antoine Delhommais se livre à un exercice périlleux en répétant des contre-vérités et en dévoilant quelques demi-vérités à un lectorat passablement déboussolé. Parmi les contre-vérités destinées à mettre d’abord en confiance son public, il écrit : «La crise, qui a vu le retour de l'Etat et du politique à la faveur de la défaillance du "tout marché". » L’État n’est jamais parti, car il est omniprésent dans le fonctionnement de l’économie. Ce journaliste érudit n’a pas lu le dernier livre de Pascal Salin, «Revenir au capitalisme». (3) Voici ce qu’écrit cet auteur mal-aimé de la pensée unique : «Les théories économiques qui se contentent d’une approche globale des problèmes – en particulier la théorie keynésienne ou la théorie monétariste – sont largement incapables d’expliquer la crise, contrairement à la théorie autrichienne des cycles. » Puis, le journaliste du Monde se lâche : «D'où aussi ce sentiment de la France d'en bas que les élites la trompent et se moquent d'elle en lui racontant des fariboles. Par exemple en lui répétant sur tous les tons, indices boursiers à l'appui, que le pire de la crise est passé, alors qu'elle continue, de son côté, à vivre dans le cauchemar quotidien[…]. En vérité, les hommes politiques n'ont aujourd'hui guère d'autre choix que le mensonge, au moins par omission, s'ils veulent assurer leur propre survie. » Et c’est à la fin qu’il assène à ses lecteurs le coup fatal : «Françaises, Français, ne vous lamentez pas trop sur votre sort actuel, car le plus dur reste à venir. D’abord le chômage ne va pas baisser. Vous allez devoir travailler plus longtemps pour espérer toucher une retraite à peine décente. Avec une protection sociale réduite, car l’Etat-providence, étant donné notre niveau de dette publique, c’est terminé. Terminé. »

Publié dans le journal-phare de la pensée unique, ce papier va sans nul doute marquer les esprits. Il faut se réjouir de cette prise de conscience tardive sinon de l’auteur de l’article, qui comme son prédécesseur Eric Le Boucher n’ignore pas les principes de l’économie, du moins de la rédaction du quotidien. La semonce de l’agence de notation Moody avertissant la France qu’elle risque de perdre son triple AAA n’est certainement pas étrangère à ce brutal atterrissage. Ne boudons pas notre plaisir de voir cette brèche enfin ouverte et qui sème la zizanie dans le camp socialiste. Mais cette victoire a un goût d’inachevé car la rédaction du Monde se refuse encore à admettre que c’est le trop d’État (banque centrale) et de réglementation ubuesque (Community Reinvestment Act, signé par le président Carter en 1977) qui sont à l’origine de la crise immobilière américaine que nous subissons de plein fouet. Patience, la vérité finira bien par se faire jour dans la camp adverse sous la pression du peuple courroucé.

Quelques auteurs rébarbatifs comme Ludwig von Mises (Socialism), Friedrich Augustus von Hayek (The Road to Serfdom), Murray Rothbard (America’s Great Depression), ou d’autres plus digestes comme Henry Hazlitt (Economics in One Lesson) ou Thomas Woods (Meltdown), sans oublier les articles quotidiens mis en ligne par le site https://mises.org/ (Pascal Salin les cite abondamment dans son dernier essai), devraient permettre à un public curieux de comprendre les origines de la crise.

La situation des Français est grave mais pas désespérée. Il leur faut tout simplement une autre élite que celle formatée à l’ENA pour leur dessiller les yeux. Pascal Salin écrit ceci : «Compte tenu des préjugés de l’opinion, on imagine mal que les hommes politiques annoncent, comme ils auraient pourtant dû le faire, qu’une économie libre implique qu’on soit responsable et donc que l’on prenne soi-même en charge le risque de faillite.» Après trois mois harassants, la fourmi Angela a franchi le Rubicon du politiquement correct en proposant d’exclure de l’Euroland toute cigale bafouant sans cesse les règles du pacte de stabilité.

Reconstituer l’épargne

Il est piquant que les Américains aient invité José Pinera, l’ancien ministre du Travail du Chili. Avec son style direct et franc, il s’est exprimé le 22 février 2010 sur la grande chaîne d’information Fox News (4). Il leur a dit sans ambages qu’ils allaient faire faillite en 2017 s’ils ne suivaient pas son conseil d’abandonner leur cher État-providence inventé par Otto von Bismarck et de le remplacer par un plan de retraite par capitalisation sur le modèle qu’il a créé pour son pays le 1er mai 1981.

Cette réforme des retraites est indispensable pour reconstituer rapidement l’épargne détruite par les néo-keynésiens qui se sont succédé à la Maison Blanche. Si la Chine enregistre une forte croissance économique, elle ne le doit pas tant au travail forcé des enfants, au yuan sous évalué, à son mépris des droits de l’homme et de l’environnement, qu’au fort taux d’épargne de ses ménages. Il n’y a pas de capitalisme sans épargne préalable ! Comme le marxisme, le keynésianisme est une énorme escroquerie intellectuelle. «Plus le mensonge est gros, plus il passe », écrivait Joseph Goebbels.

José Pinera avait choisi la fête du travail pour faire comprendre à ses compatriotes que sa réforme était d’abord dans l’intérêt des travailleurs. A quand une émission avec José Pinera sur une grande chaîne française pour lancer le débat sur la réforme des retraites à laquelle veut s’atteler le président de la République ?

Bernard Martoïa

(1) « Mein Kampf », d’Adolf Hitler (1924).

(2) « Françaises, Français, si vous saviez », Le Monde des 21 et 22 mars 2010.

(3) « Revenir au capitalisme », de Pascal Salin (Odile Jacob, 2010).

(4) Archive du 16 mars 2010.

 

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