C’est aux gueux de sauver la France !

On sait ce que M. Macron allait dire à l’issue du « grand débat » et qu’il n’a pas pu dire en raison de l’incendie de Notre-Dame. Il ne s’agit en aucune manière des décisions « puissantes et concrètes » que le premier ministre, Edouard Philippe, nous avait annoncées.

N’en seront surprises que les personnes qui n’ont pas encore compris la nature du « système Macron ». Le président de la République est l’ultime docteur d’un régime moribond. Un docteur de Molière, qui résume tout aux poumons. On se demande comment les milliardaires qui ont permis son accession au pouvoir ont pu être assez stupides pour penser qu’un petit technocrate allait être capable de réformer en profondeur un pays qui dérive depuis plus de quarante ans et qui a besoin de profondes transformations.

Prenons un exemple simple et frappant. La France prélève chaque année 400 milliards d’euros pour son Etat et 800 milliards pour ses régimes sociaux. Le tout, augmenté de l’argent emprunté, représentant 57,5 % du PIB, soit 13 points de plus que l’Allemagne, soit 280 milliards.

Nous dépensons donc 20 % de trop par rapport à l’autre pilier de l’Union européenne, et nous n’allons pas pouvoir le faire encore longtemps en vertu de l’immortel principe de Jean de La Fontaine, celui du pot de terre et du pot de fer. Contrairement au contre-sens habituel, ces deux pots ne sont pas adversaires mais associés et cheminent de conserve, se cognant l’un à l’autre au gré des cahots du chemin. Et c’est évidemment le pot de terre qui se brise.

Le plan de redressement de la France doit impérativement viser à une réduction rapide des dépenses publiques de 20 % et à une baisse subséquente des impôts et des charges.

Ce n’est pas mission impossible. Sauf si l’on raconte aux Français que tout va bien et qu’un peu d’homéopathie ne les tuera pas. Autrement dit, si l’on fait du Macron.

A l’inverse, revenant au pouvoir en 1958, le général de Gaulle baisse les dépenses publiques de 14 %, ce qui permet de relancer l’économie et d’en finir avec les déficits.

C’est donc à un effort de même ampleur que la France doit aujourd’hui s’atteler. Tous les pays qui se sont redressés l’ont fait en commençant par persuader les citoyens, par la voix de leur gouvernant, que cet effort était indispensable mais possible, et qu’il serait accompli avec détermination et justice, nul n’en étant dispensé.

Un homme d’Etat moderne doit savoir expliquer son plan et sa méthode comme un enseignant proche de ses élèves, avant de revêtir les insignes du pouvoir et de l’action.

Cet exercice, les médecins le font tous les jours. Le diagnostic, le plan de traitement et le pronostic rythment leurs heures. Un bon gouvernant doit s’inspirer de ces méthodes.

M. Macron n’est pas cet homme-là. Il a été porté au pouvoir par un complot qui n’aurait eu aucune chance de réussir sans l’affaissement de la droite parlementaire, incapable de se choisir un représentant sans reproches et qui l’eût emporté haut la main. Il est vrai que cette droite avait perdu depuis longtemps toute légitimité à force de se vouloir de gauche.

Et maintenant ? comme dit la chanson. Notre-Dame a brûlé comme un avertissement. L’entende qui pourra. Le jugement de l’histoire va ressembler à une ordalie, insupportable à ceux de ses acteurs qui ne se sont jamais endurcis au feu, pas plus qu’au froid ou à la souffrance.

Il n’est pas possible qu’un pays de 66 millions d’habitants ne recèle pas en son sein au moins un homme ou une femme capable d’incarner ce qu’il a de meilleur. Les croyants vont prier. Les incroyants, contre toute attente, vont vouloir y croire. Et chacun pourra se conforter de cette phrase de Charles Péguy : « Les patries sont toujours trahies par les intellectuels et défendues pas les gueux. »

 Par un étrange renversement de l’histoire, ce régime moribond a produit tant de gueux qu’on peut en attendre le salut de la France.

Claude Reichman