www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme


Crise d'adaptation

 


30/7/02 Claude Reichman
A la différence du socialisme, le capitalisme va de crise en crise. C'est dans sa nature. Et c'est le secret des progrès matériels permanents qu'il fait faire aux sociétés qui l'ont adopté. Le socialisme, lui, ne connaît qu'une vraie crise : la dernière. Celle où le régime s'effondre. Jusqu'à ce moment ultime, il donne l'impression d'être éternel, tant ses mécanismes semblent résister à toutes les régressions économiques et sociales qu'il provoque et tant les peuples qu'il a pliés sous son joug paraissent inertes. Nous vivons en ce moment une crise boursière qui est aussi, incontestablement, une crise du capitalisme. En fait celui-ci est simplement en train de poursuivre son adaptation à la mondialisation. Pour être les meilleurs et les plus forts sur les marchés, certains groupes ont fusionné des entreprises à tout va, souvent sans se soucier de la cohérence des conglomérats ainsi formés. Dans leur stratégie de puissance, ils ont parfois oublié l'honnêteté la plus élémentaire dans le monde des affaires, qui consiste à ne pas truquer ses comptes. Dans ce qu'on appelle la bulle Internet, des firmes ont atteint des cours de Bourse vertigineux, alors même qu'elles n'avaient jamais gagné le moindre dollar. Les rachats se faisant pour la plupart par échanges d'actions, tous les contractants avaient l'impression de s'enrichir ensemble, jusqu'au jour où, tous ensemble également, ils ont perdu l'essentiel de leur mise. Bien des investisseurs ont également abdiqué toute raison. Eblouis par la hausse mirobolante de la valeur des actions, ils ont cru que les arbres pouvaient monter jusqu'au ciel, alors qu'un vieux dicton boursier dit exactement le contraire. Ils ont fait confiance, pour gérer leur portefeuille, à des golden boys de trente ans au lieu de répartir sagement leurs placements afin de diminuer les risques, quitte à accepter un manque à gagner. Qu'ils ne se plaignent donc pas d'avoir subi des pertes. Ils ont tout fait pour cela ! Car il y a une différence essentielle entre l'économie virtuelle et l'économie traditionnelle. La première est surtout riche des espoirs insensés qu'elle fait naître. La seconde possède des usines, des techniques, des hommes, du savoir faire. Le paysan sensé du bon vieux temps conservait toujours quelques vaches. Le lait se vendait quoi qu'il arrivât et permettait de faire la soudure en cas de mauvaise récolte. Les firmes de l'économie traditionnelle ont perdu de leur valeur dans la crise boursière, mais elles la retrouveront vite si leurs produits restent bons et nécessaires.

Des mandarins irresponsables et inutiles

Hormis dans le cas de la crise des années trente, dont les effets se sont faire sentir jusqu'aux années cinquante, la Bourse retrouve en un an ou deux tout au plus son niveau après un krach. Cela se produira cette fois encore, même si les annulations de valeur de nombreuses firmes TMT (technologie, médias, télécommunications) rendront le rétablissement plus difficile. Que certains en France triomphent en accablant le capitalisme n'a rien pour nous surprendre. Un collectiviste ne supporte pas la liberté, et quand des pratiques fautives produisent de mauvais effets, il met en cause non pas les erreurs commises mais le système lui-même. Il est plaisant - si l'on ose ainsi s'exprimer - d'entendre condamner les fonds de pension, qui ruineraient leurs adhérents, par les tenants de la retraite par répartition qui va provoquer le plus grand drame économique et social qui se soit jamais produit en temps de paix dans notre pays. En réalité, les adhérents des fonds de pension ne sont nullement ruinés. Leurs gestionnaires ont su diversifier leurs investissements et, contrairement à une idée fausse mais très répandue, ils ne font pas d'allers et retours boursiers, gardant le plus souvent leurs actions pendant une période moyenne de dix ans. Ils sont des éléments de stabilité du capital et donc de développement des firmes, tout en pratiquant la corporate governance, c'est-à-dire la surveillance active et attentive de leur gestion, notamment en pointant du doigt celles dont le management laisse à désirer, ce qui se traduit régulièrement par des remises en ordre bénéfiques pour tout le monde. La France est un curieux pays où les élites intellectuelles détestent le capitalisme alors que celui-ci les fait vivre très confortablement en fournissant à l'Etat, sous la contrainte mais en abondance, des subsides qui lui permettent de nourrir, dans l'université, la recherche, les associations et les secteurs artistiques subventionnés, une caste pléthorique de mandarins irresponsables et inutiles, qui parlent au nom de tous en ne représentant qu'eux-mêmes. C'est eux qu'on entend le plus en ce moment. Et comme d'habitude les politiciens de droite plient l'échine, persuadés au fond que leurs adversaires ont raison. Il faut voir comment le président de la République a rembarré le ministre de l'économie, Francis Mer, qui avait osé faire remarquer au ministre des affaires sociales, François Fillon, que les licenciements étaient l'affaire des entreprises et pas de l'Etat. Reagan et Thatcher ont gagné parce qu'ils étaient sûrs de leurs idées. Il n'y a rien à attendre d'une majorité qui n'ose pas affirmer les siennes.

Claude Reichman

Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme