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2/3/16 Jean-Nicolas Boullenois
     
           Retraite par répartition : la plus grande
              escroquerie de l’histoire de France !

 Le 14 mars 1941, « aux heures les plus sombres de notre histoire », selon la formule consacrée, était édictée une loi « relative à l'allocation aux vieux travailleurs salariés », par laquelle :
« Nous, Maréchal de France, chef de l'Etat français,
Le conseil des ministres entendu,
Décrétons :
Article 9
§ 1er - Les retraites et pensions de vieillesse des assurances sociales sont constituées sous le régime de la répartition. »

Le but de cette loi inique était de spolier du jour au lendemain des millions de Français de l’épargne qu’ils avaient patiemment constituée dans des fonds de pension depuis des décennies.

Non content d’avoir, pendant plus de 70 ans et au travers de deux républiques, entériné cette loi vichyste et élargi son champ d’application à d’autres catégories professionnelles, le pouvoir législatif crut bon, par une nouvelle loi du 20 janvier 2014 de « réaffirmer solennellement le choix de la retraite par répartition ». Estimons-nous heureux que la représentation nationale n’ait pas « réaffirmé solennellement » d’autres « acquis sociaux » de la même époque, comme la loi portant statut des Juifs signée par le même ministre René Belin…

Mais intéressons-nous au détail de cet article L111-2-1 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la loi du 20 janvier 2014.

Outre le fait de « réaffirmer solennellement » son attachement à un « acquis social » du régime de Vichy par ailleurs tenu pour le Mal absolu, outre le très étonnant besoin de « réaffirmer solennellement » un système de retraite entré dans les faits depuis plus de 70 ans, il y a un autre point qui ne manque pas de surprendre dans cet article, c’est l’objectif assigné à quatre reprises ( !) à ce système de retraite par répartition : celui d’assurer une équité entre les générations.
- « …le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations »
- « Les assurés bénéficient d'un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quels que soient … la génération à laquelle ils appartiennent. »
- « La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations… »
- « La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations …
»

Equité entre générations, au regard donc à la fois des cotisations (des « contributions ») et des prestations (durée de retraite et montant de pension).

Or, comme nous allons le voir, cet objectif d’équité entre générations n’a jamais été assuré effectivement pendant les 75 ans d’histoire de ce régime par répartition, tout simplement parce que c’est le principe même de la répartition qui est incompatible avec une telle équité.

D’après les chiffres officiels du Conseil d’orientation des retraites (Évolutions et perspectives des retraites en France, Rapport annuel du COR, juin 2015 ), l’évolution des taux de remplacement est la suivante :
- pour un cas type de salarié du privé non-cadre à carrière complète et sans interruption, le taux de remplacement net à la liquidation passe de 80% pour la génération 1940 à 72% pour la génération 1963, et sera comprise entre 63 et 72% pour la génération 1990 suivant les scénarios retenus.
- Pour le même cas-type, le taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie passe de 77% pour la génération 1940 à 73% pour la génération 1955 et sera compris entre 55 et 70% pour la génération 1990 suivant les scénarios retenus.

Toujours d’après les chiffres du COR et concernant cette fois les indépendants (https://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-150.pdf) :
- pour un exploitant agricole avec un revenu net fiscal de 0,9 SMIC, le taux de remplacement passe de 58% en 2000 à 39% en 2040
- pour les médecins, le taux de remplacement passe de 54,8% en 2000 à 35,6% en 2040.

Dans toutes les catégories socio-professionnelles, et malgré les augmentations de taux de cotisations passées et prévues, les taux de remplacements diminuent fortement au fil des générations (à la notable exception près des fonctionnaires bénéficiant d’un taux de remplacement remarquablement constant).

A vrai dire, ces chiffres ne font que confirmer une évidence mathématique, à savoir que les taux de remplacement (de même que les taux de cotisations et les durées de retraite) ne peuvent respecter une équité entre générations dès lors que le ratio entre actifs et retraités n’est pas fixe et évolue au fil des générations.

Que dire d’une loi qui affirme dans le même article deux principes contradictoires et incompatibles entre eux, celui de la retraite par répartition et celui de l’équité entre générations, sinon qu’elle bafoue le principe constitutionnel de clarté, d’intelligibilité et de non-contradiction de la loi ?

Plus grave, cette inégalité de traitement entre générations, inhérente au principe même de retraite par répartition, constitue une discrimination liée à l’âge, non justifiée par un motif légitime (puisque le motif légitime affiché dans le même article est justement celui de l’équité entre générations).

Cette discrimination liée à l’âge est contraire :
- au principe d’égalité reconnu par la Constitution et découlant des articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ;
- à l’article 14 et au protocole n° 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (interdiction de discrimination) ;
- à la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, transposée par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Deux points de procédure sont intéressants à souligner :

- Premièrement, que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; que s’il se déclarait néanmoins incompétent, il lui appartient de saisir lui-même la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel.
- Deuxièmement, concernant la charge de la preuve en matière de discrimination, qu’il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.

Quand les Français se réveilleront et comprendront qu’ils ont été victimes de la plus grande escroquerie de l'histoire de France, la terre tremblera dans notre pays.

Dr Jean-Nicolas Boullenois


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