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La technocratie reste trop envahissante

Cet article a été publié dans Le Figaro du 6 mai 2003


6/5/03 Claude Reichman*
Depuis le début de cette année, la France connaît une véritable débâcle économique qui se traduit par des plans sociaux en rafale. M. Raffarin évoque une " rupture de croissance ", tandis qu'à l'Elysée on en appelle à la " solidarité nationale ". Il est de fait que la France connaît actuellement sa conjoncture la plus dégradée depuis 1993, c'est-à-dire depuis dix ans. Entré en fonctions il y a un peu moins d'un an, le premier ministre peut-il être rendu responsable de la véritable déprime économique qui s'est emparée de notre pays ? Notons tout d'abord que les dix dernières années ont vu la droite et la gauche gouverner chacune pendant cinq ans. Elles portent donc une responsabilité équivalente dans la situation, même si la gauche doit en fait assumer un poids plus lourd dans la mesure où ses cinq années de pouvoir ont bénéficié de la continuité et qu'elles sont récentes. N'entrons pas non plus dans le débat sur la cohabitation, car ni M. Balladur ni M. Jospin n'ont véritablement été gênés dans leur action par un président de tendance opposée, même si ce détestable système n'est pas pour rien dans le marasme français. L'invocation de la cohabitation est d'autant moins recevable que ni M. Juppé, ni jusqu'à présent M. Raffarin, qui ont officié sous les ordres d'un président du même bord que le leur, ne sont parvenus à vaincre ce qu'il est convenu d'appeler le mal français.
Ce fameux mal français a deux causes essentielles : le socialisme et l'étatisme. Ni l'un ni l'autre n'ont reculé pendant les dix dernières années, bien au contraire. S'il n'y a pas lieu de s'en étonner pour les périodes où la " gauche plurielle " a été au pouvoir, on peut s'interroger sur la responsabilité de la droite parlementaire dans cet état de choses. Poser la question, c'est y répondre. Ni M. Balladur, ni M. Juppé, ni M. Raffarin n'ont fait reculer d'un pouce le socialisme et l'étatisme. Et l'on peut même dire qu'ils se sont à bien des égards aggravés. Il y a là un mystère que les Français de droite constatent avec consternation, sans s'en expliquer vraiment les raisons.
Le mystère est d'autant plus épais que les trois premiers ministres successifs de droite ne sont ni des inconscients ni des incapables, et que le camp dont ils sont les élus est plus que désireux de voir l'emprise de l'Etat et le poids des prélèvements obligatoires se réduire fortement, afin de permettre le développement économique et la création d'emplois.
En réalité, le mystère est assez simple à élucider. La droite parlementaire est dirigée par une technostructure qui n'a pas la moindre envie de lutter contre le socialisme et l'étatisme, dans la mesure où leur recul saperait les fondements du pouvoir que cette caste dominante exerce sur la nation. Les majorités parlementaires de 1993 et de 2002 avaient été investies d'une mission bien précise : diminuer l'emprise de l'Etat et faire baisser les impôts et les charges sociales. A chaque fois, elles ont été muselées par la technostructure, et on ne les a pas même entendu protester. Il est vrai que les technocrates sont maîtres des partis politiques et donc des investitures aux élections, et que dans le système actuel, sans investiture, on n'a que très peu de chances d'être élu. Entre leur intérêt personnel et celui de leurs électeurs, nos députés n'ont pas balancé longtemps ! Et voilà pourquoi votre fille est muette !
Alors oui, M. Raffarin est responsable de la déprime économique française. Comme MM. Balladur et Juppé, comme tous ceux qui se sont fait élire sous les couleurs des formations de la droite modérée. Et surtout comme M. Chirac, chef suprême de la nation et à ce titre responsable en chef. Ils en sont même plus responsables que les socialistes, qui ne sont jamais fixé la mission de faire progresser la liberté et la propriété et ne peuvent donc être accusés d'avoir manqué à leurs engagements.
Si l'on se voulait cynique, on pourrait dire que MM. Chirac et Raffarin n'ont au fond commis qu'une erreur de calendrier. Ils ont cru que le système pourrait encore fonctionner pendant quelques années et qu'il serait bien temps de voir après. Or la conjoncture s'est retournée brutalement, créant de terribles déchirures dans le tissu économique français. Les observateurs avisés savaient pourtant depuis longtemps que les faiblesses structurelles de la France étaient masquées par l'extraordinaire productivité du secteur privé qui, comme un athlète obligé de se surpasser en permanence pour vaincre ses concurrents, s était astreint à un entraînement et une discipline de fer. Mais même les meilleurs sportifs finissent par se fatiguer. C'est ce qui se passe en France en ce moment. Et du coup les firmes les plus mal gérées - ce qui est le cas de toutes les entreprise publiques - ou les plus menacées par la concurrence s'effondrent les unes après les autres ou appellent le contribuable à leur secours pour combler des passifs gigantesques.
Grave au plan économique et social, la situation l'est encore plus au plan politique. Les électeurs de droite se sentent orphelins et ne savent plus à qui confier leur représentation et leurs espoirs. Il n'y a même plus d'homme providentiel " en réserve de la République ". Alors il ne reste plus à chacun d'entre eux qu'à se faire homme providentiel pour le compte de tous. Après tout, n'est-ce pas cela, la démocratie ?

* Président de Droite de France. Site Internet : www.claudereichman.com. Vient de publier : Le secret de la droite, aux éditions François-Xavier de Guibert

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