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20/7/17 Claude Reichman
     
             Il faut supprimer la Cour de cassation
                     et créer une Cour suprême !

La révision constitutionnelle de 2008 a créé la question prioritaire de constitutionnalité. Excellente réforme, puisqu’elle permet à tout justiciable de mettre en cause la conformité d’une loi à la Constitution.

La procédure instituée comporte une faille dans laquelle la Cour de cassation, craignant de voir le Conseil constitutionnel se transformer en Cour suprême, s’est engouffrée. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) doit être posée devant un tribunal à l’occasion d’une instance. Il appartient au tribunal saisi de vérifier si la QPC a un lien avec l’instance, si elle n’a pas déjà donné lieu à une décision du Conseil constitutionnel, et si elle a un caractère sérieux. Si ces trois conditions sont remplies, le tribunal transmet la QPC à la Cour de cassation qui, au vu des mêmes critères, la transmet ou non au Conseil constitutionnel.

Les deux premiers critères n’ont posé aucune difficulté. En revanche le troisième a permis à la Cour de cassation de faire échouer la réforme. Il lui suffit pour cela de décréter que les QPC qu’elle reçoit ne sont pas sérieuses. La Cour de cassation, pour l’affirmer, n’hésite pas à violer la loi et se prononce elle-même sur la conformité de la QPC à la Constitution, ce qu’aucun tribunal n’a le droit de faire. Du coup, un nombre infime de QPC franchit l’obstacle et la réforme ne fonctionne pas.

Dans son ouvrage récemment paru et intitulé « Ce que je ne pouvais pas dire », Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel de 2007 à 2016, écrit : « Je perçois très bien l’hostilité persistante envers la QPC de nombre de magistrats judiciaires, principalement ceux de la Cour de cassation. »

La victime de l’attitude scandaleuse de la Cour de cassation est évidemment le justiciable, à qui l’on a fait miroiter un nouveau droit très appréciable, puisqu’il fait progresser la sécurité juridique dans notre pays et donc la démocratie, et qui s’en trouve privé par l’égoïsme corporatiste et pour tout dire par la stupidité de « hauts magistrats » indignes de leur fonction.

Mais il y a plus grave. A l’occasion de deux QPC récentes, la Cour de cassation a rendu des décisions qui vont placer la France hors de l’état de droit et la mettre au ban de l’Europe.

Dans l’une d’entre elles, la Cour de cassation, à qui était demandée la transmission d’une QPC visant l’attribution au RSI, sans appel d’offres, de la protection sociale des indépendants, a jugé – sans avoir le droit de le faire – que la liberté d’accès à la commande publique, qui a pourtant valeur constitutionnelle, n’a pas à être respectée quand le marché à attribuer concerne la sécurité sociale. Or le conseiller rapporteur n’avait pas manqué de souligner que l’attributaire du marché, le RSI, est un organisme de droit privé. La question qui se pose consiste donc à savoir si un organisme de droit privé, français ou européen, autre que le RSI, n’aurait pas pu être choisi au terme d’un appel d’offres, pour être chargé de la gestion du régime de protection sociale des travailleurs indépendants. La réponse est évidemment affirmative, tant au plan constitutionnel qu’à celui de la législation européenne. Elle l’est d’autant plus que le RSI confie la gestion de son régime notamment à des … sociétés d’assurances !

La deuxième décision de la Cour de cassation est d’encore plus grande portée, puisqu’elle concerne la liberté de conscience et d’expression. Examinant une QPC visant un article de loi qui interdit de mettre en cause l’affiliation obligatoire à la Sécurité sociale, la Cour a refusé sa transmission au Conseil constitutionnel au motif que « les dispositions critiquées ayant pour objet une mutualisation des risques dans le cadre d’un régime de sécurité sociale fondé sur le principe de solidarité nationale, il ne saurait être soutenu qu’elles portent atteinte à la liberté de conscience et à la liberté d’expression ». Donc si un citoyen désire exprimer son opposition à l’obligation d’affiliation à la Sécurité sociale, il ne peut le faire qu’en encourant une peine de prison !

On attend avec inquiétude les prochains sujets sur lesquels la Cour de cassation jugera qu’il est interdit de s’exprimer.

Face à de telles dérives, la confiance qu’on doit avoir en l’institution judiciaire, surtout quand elle concerne son organe ultime, est rompue. Il n’y a plus d’autre solution que de supprimer la Cour de cassation et de créer une Cour suprême composée de personnalités indiscutables et offrant toutes les garanties d’indépendance que le justiciable et le citoyen sont en droit d’attendre.

Claude Reichman





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