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3/10/08 Ivan Rioufol
L’Etat providence n’en finit plus de sombrer sous                                    les charges

« Dire la vérité aux Français » : Nicolas Sarkozy le martèle, parlant de la crise financière. Claude Guéant, secrétaire général de l'Élysée, renchérit: "Le temps est définitivement révolu où l'on pouvait leur dire des choses inexactes, approximatives." Alors, allons-y, déballons! Mais le président est-il prêt à soutenir une opération vérité, au-delà de la critique convenue du laisser-fairisme? La vraie révolution serait à ce prix.

Mikhaïl Gorbatchev a reconnu, en 2006, que la catastrophe de Tchernobyl avait "peut-être été la véritable raison de l'effondrement de l'Union soviétique", car elle avait "ouvert la porte à une liberté d'expression telle que le système ne pouvait plus perdurer". Le séisme bancaire porte en lui un semblable besoin de "glasnost". Cependant, quand Henri Guaino, conseiller du président, dénonce la "perversion des valeurs du capitalisme" qui expliquerait la "quasi-récession" du pays, il oublie que la France à genoux paie là des décennies d'omniprésence étatique.

L'"état de faillite" du pays, admis par François Fillon il y a un an, ne doit rien aux subprimes. Idem pour son chômage, ses déficits, sa dette (1269,3 milliards d'euros). Les dérives spéculatives, qui vont pénaliser les épargnants, obligent à des règles nouvelles. Mais la promesse de vérité ne peut se contenter d'un acharnement contre le capitalisme financier, dont Sarkozy a prédit un peu vite la fin. Ne pourrait-on laisser le capitalisme d'État, louangé soudainement à l'Élysée, à la Chine communiste?

S'il faut tout dire, il ne faut pas oublier le début: l'interventionnisme qui, depuis l'après-guerre, a fait du libéralisme, enfant des Lumières et de 1789, un épouvantail. La gauche reste l'héritière de l'ostracisme de 1793, quand Ségolène Royal réclame samedi, en tunique baba et poings sur les hanches, " l'interdiction de délocaliser et de licencier", ou quand François Hollande voit dans la crise la victoire des "progressistes". C'est leur État providence qui n'en finit plus de sombrer sous les charges.

Parce que les pouvoirs publics se disent prêts à secourir des banques et même l'accession à la propriété, Sarkozy semble déjà vouloir renier la loi du marché qu'il venait à peine de sortir de la cave. Or, la libre concurrence ne peut être le bouc émissaire de la faiblesse française. Le pays est malade, avant tout, d'une indigestion d'État. Faudrait-il lui en refourguer une cuillerée, sous prétexte de le protéger d'un libéralisme perverti ? Grand temps d'aligner des vérités, en effet.

Le mur des tabous

L'empressement à réhabiliter l'État protecteur et dépensier est d'autant plus déroutant que Nicolas Sarkozy reconnaît aussi (discours de Toulon) que "l'État ne peut indéfiniment financer ses dépenses courantes et ses dépenses de solidarité par l'emprunt (car) il faut bien un jour payer ses dettes". Devant cette contradiction, il serait utile de publier les comptes de l'État nounou, qui vient de renoncer à privatiser La Poste. Combien coûte la protection sociale? Quelles richesses produit l'immigration ? Où sont les possibles économies ? La glasnost, qui a eu raison du mur de Berlin, doit abattre celui des tabous.

Le journaliste américain Donald Morrison, qui avait outré le monde parisien en décrivant dans Time Magazine le déclin de la culture française, revient à la charge (Que reste-t-il de la culture française ? , Denoël) en s'étonnant que "les écrivains français d'aujourd'hui se tiennent à l'écart du monde réel". Mais la remarque vaut, en fait, pour une large partie de l'intelligentsia, qui ne quitte guère sa Cité interdite. Certes, les médias rendent compte, ici et là, de l'insurrection des cités, de l'apparition d'une contre-société, de professeurs frappés par leurs élèves, de l'islamisation des détenus, etc. Cependant, nulle part n'affleure une interrogation collective sur la somme de ces manifestations.

Dire la vérité aux Français serait aussi reconnaître ces réalités au-delà de leurs traitements anecdotiques, en cessant de trafiquer des statistiques et de minimiser des faits. Notre société bonasse, parce qu'elle s'imagine sans ennemis, trouve convenable de vanter le multiculturalisme et le métissage des identités, sans s'apercevoir qu'elle est en train de faire de sa propre culture un futur cimetière. L'école "black-blanc-beur" en dessine trop souvent l'esquisse, sous les vivats des Modernes.

Ivan Rioufol

 

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