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26/10/12 Robert Lenhardt
                    Lettre à Mme Taubira, ministre de la Justice
        Que dois-je faire pour bénéficier du statut

                                 de « jeune » ?

Madame la Ministre,

Je m’adresse à vous en ma qualité de nouveau délinquant, dans une affaire qui m’est particulièrement pénible et pour laquelle je sollicite votre compréhension et votre soutien.

En effet, je viens d’apprendre par courrier que je me suis rendu coupable d’avoir, avec ma voiture (achetée et assurée par mes soins), dépassé de 8 km/h la limite de vitesse prescrite (118 au lieu de 110) sur un tronçon d’autoroute en rentrant chez moi.

Je sais bien que, même si j’étais content de rentrer dans mon foyer après une journée bien remplie, cette grave infraction ne peut être assimilée à un acte de « liesse pardonnable », comme brûler un drapeau français un soir d’élection, par exemple, et suis donc pleinement conscient de mon comportement asocial.

Il est vrai que, plutôt que de faire attention au flux de la circulation à l’approche d’une grande agglomération, j’aurais dû me concentrer sur mon compteur pour être bien sûr de ne pas dépasser la vitesse prescrite. D’autant plus que les dommages consécutifs à un accident, même dus à l’inattention, sont remboursés par l’assurance, contrairement aux amendes, et que je suis plafonné à 50% de bonus depuis des décennies.

Je n’ai donc pas d’autre choix que de payer cette amende de 45,00 €, ce qui, pour quelqu’un qui dispose de vos revenus peut sembler insignifiant, mais qui pour moi représente quand même 2,38% de mon revenu, versé en échange d’un travail régulier (au service de l’Etat) depuis plus de 40 ans.

Par ailleurs, étant « souchien » et non délinquant jusqu’à ce jour, je suis également assujetti à la double peine (vous savez celle qui a été abolie pour les délinquants étrangers qu’on ne peut plus renvoyer chez eux et qui sont nourris et logés dans nos prisons avec mes impôts). Oui parce que j’ai oublié de confesser que j’ai aussi la fâcheuse habitude de payer régulièrement mes impôts. Double peine donc, puisqu’on va également me retirer des points de mon permis (je sais, là aussi j’ai honte, je roule encore avec un permis, dans une voiture achetée, pour vous dire à quel point je suis déconnecté de la réalité).

Pour couronner le tout, comme je ne suis pas récidiviste, ni mon geste insensé suffisamment grave, comme brûler des voitures ou caillasser des véhicules de police ou de pompiers dans un guet-apens à Amiens ou à Mulhouse par exemple, je ne bénéficie d’aucun sursis.

Croyez bien que je n’avais nullement l’intention de vous importuner avec mes soucis, et j’aurais bien réglé cette affaire en déclenchant une petite émeute dans mon village, avec incendies de poubelles ou de salle des fêtes et pillage du seul magasin qui nous reste, mais je ne connais que des citoyens respectueux des lois et qui, vu qu’ils travaillent, n’étaient pas disponibles.

Etant donné ma situation décrite plus haut (« souchien » et non délinquant jusqu’à ce jour), je ne peux pas compter non plus sur une de ces associations spécialisées dans le soutien aux délinquants et autres irréguliers.

C’est donc dans le désarroi le plus total, lié à ma nouvelle situation (décrite plus haut) que je m’adresse à vous, Madame la Ministre, à votre grande compréhension de la détresse des victimes de la provocation policière et de l’injustice faite à l’encontre des petits délinquants (déviés du droit chemin par un environnement hostile), et vous demande de bien vouloir faire le nécessaire afin que le montant de l’amende me soit remboursé et les points retirés recrédités sur mon compte.

Mon âge avancé et ma situation (décrite plus haut) ne me permettant pas de bénéficier du qualificatif de « jeune » et des prérogatives qui vont avec, vous serait-il possible de m’indiquer un statut analogue qui me garantirait les mêmes avantages ? Je m’engage, dans ce cas, à ne pas générer les mêmes inconvénients, sauf si c’est obligatoire pour obtenir le statut.

D’avance, merci.

Je vous prie de croire, Madame la Ministre, à l’expression de mes sentiments très distingués.

Robert Lenhardt



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