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21/4/08 Bernard Martoïa

Et si on laissait Dieu gouverner la France ?

Pressé par ses partenaires européens de revenir à l’équilibre budgétaire à l’horizon 2012, l’État français a mené une vaste enquête pour redéfinir ses missions. C’est la révision générale des politiques publiques (RGPP). Celle-ci vient d’accoucher d’une souris : une kyrielle de réformettes (166 pour être précis) pour une réduction de sept milliards d’euros de dépenses par an. Pour mémoire, le déficit budgétaire a été de 38.3 milliards d’euros pour l’année 2007. Compte tenu des intérêts de la dette qui absorbent la totalité des recettes tirées de l’impôt sur le revenu des ménages, un retour à l’équilibre budgétaire est impensable pour 2012. La France est entrée dans un dangereux engrenage dont elle ne mesure pas encore la gravité.

Pouvait-il en être autrement lorsque l’État est juge et partie ? Même s’il a été fait appel à des cabinets privés pour donner une caution, l’énarchie garde le contrôle du Titanic. Pour résumer l’affaire, on s’est délesté de quelques chaloupes de secours (coupes franches dans les fonctions régaliennes de l’État : justice, défense et affaires étrangères) et on s’est contenté de colmater les fuites dans la cale (éducation, logement, santé, transport, culture, etc.) en espérant que le vieux paquebot rafistolé résistera à la tempête boursière…

Sur un plan politique, on peut déplorer que le parlement n’ait pas été associé à l’élaboration de cette réforme. Il lui reste le contrôle de la dépense. Nos élus seront-ils à la hauteur ? Le doute a été exprimé par Le Figaro dans son édition du 15 avril 2008 : « A quelle sauce allons-nous être mangés ? » se demandent avec anxiété les députés godillots de la majorité.

A la crise financière s’ajoute la crise institutionnelle de la Cinquième République. Tout dépend du prince. C’est le revers de la médaille lorsque le prince n’a pas les qualités requises pour tenir fermement la barre dans la bonne direction.

La confusion des pouvoirs est toujours à redouter. A vingt ans, Franklin Delano Roosevelt était déjà un bon observateur de la vie politique de son pays. Quand la presse américaine s’extasia du rôle joué par le président Théodore Roosevelt (Franklin était son cousin) dans le règlement de la grève des mineurs en 1902, il nota dans son journal : « La volonté de Teddy de rendre l’exécutif plus puissant que les deux chambres n’est pas une bonne chose, surtout quand un homme doté d’une personnalité moindre que la sienne lui succédera. » L’histoire donna raison à Franklin, pas plus tard qu’en 1909 lorsque le débonnaire William Taft succéda à son cousin.

Compte tenu de la médiocrité de la classe politique, la meilleure chose pour éviter un naufrage du Titanic serait d’imposer un gel du budget de l’État. 1973 marque la dernière année où l’équilibre budgétaire a été respecté. Depuis cette date, tous les budgets, y compris ceux prévoyant un équilibre, ont été systématiquement dans le rouge ! Cela n’a rien de surprenant. L’accession en 1974 de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence est un tournant dans l’histoire de ce pays. Il marque l’arrivée au pouvoir des technocrates. Même si l’actuel président n’appartient pas à la nomenklatura, presque tous les conseillers de l’Élysée sortent de l’Ecole nationale d’administration (ENA). Cette élite est très fortement influencée par la théorie keynésienne des déficits publics pour relancer la croissance. Elle reste aussi très attachée à un rôle important de l’État, y compris dans des secteurs qui sont normalement mis en concurrence : éducation, culture, logement, santé, transport. Aux trente-quatre années ininterrompues de déficit budgétaire succéderont inévitablement autant d’années de rigueur pour apurer la dette qui s’est accumulée.

Geler le budget aurait pour première conséquence de supprimer la direction de la prévision au ministère des finances. Elle gonfle toujours la croissance attendue pendant que les autres directions du ministère s’évertuent à trouver de nouvelles taxes pour satisfaire l’appétit du Léviathan. Tout est taxable ! Dernier avatar, une taxe de séjour de 2 € vient d’être instaurée dans les hôtels de luxe qui sont fréquentés majoritairement par la clientèle étrangère, et ce dans le but de renflouer les caisses du ministère de la culture. Ce ministère a un fort relent idéologique. La culture ne devrait pas être l’apanage des États.

A-t-on encore besoin d’un ministère de l’économie dans l’Euroland ? La question a été posée bien avant le traité de Maastricht. Au cours d’une audience accordée en 1907 au professeur Butler de l’université de Columbia, l’empereur Guillaume II demanda à l’illustre professeur d’économie qui était en charge des affaires financières dans le gouvernement des États-Unis. « Dieu », lui répondit sans hésitation le professeur Butler.

Les Belges n’ont plus de gouvernement depuis des mois. S’en portent-ils mieux ou plus mal ? Aucune différence apparente. William Buckley disait : « Je préférerais être gouverné par les trois cents premiers noms de Boston dans le bottin téléphonique que par les gens de la faculté de Harvard. »

Bernard Martoïa

 

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