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11/3/17 Claude Reichman
     
       La Cour de cassation renonce enfin à violer
                             le droit européen !

La Cour de cassation vient enfin de rendre les armes. Dans un arrêt du 7 mars 2017 de sa chambre sociale, elle juge que « l’intervention de l’autorité publique qui est à l’origine de la création d’un droit exclusif doit avoir lieu dans le respect de l’obligation de transparence découlant de l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne », et ne doit pas avoir « un effet d’exclusion à l’égard des opérateurs établis dans d’autres Etats membres et qui seraient potentiellement intéressés par l’exercice de cette activité de gestion ».

Suit un rappel des principes du droit, bien utile pour une institution qui n’a cessé de le bafouer depuis des décennies : « Le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu’à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d’interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel. »

L’arrêt du 7 mars 2017 concerne certes un régime de remboursement complémentaire, mais il est rédigé en des termes généraux qui ne laissent planer aucun doute sur l’applicabilité de cette décision à l’ensemble des activités économiques et bien entendu aux régimes de sécurité sociale.

Il ne s’agit au demeurant que de la reconnaissance par la Cour de cassation de dispositions qui figurent dans le livre IV du code de commerce français, relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et dont l’article L 410-1 dispose : « Les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ».

L’attribution aux caisses de sécurité sociale françaises, qui – faut-il le rappeler ? – ont toutes le statut de mutuelle, et aux URSSAF pour le recouvrement des cotisations, d’un droit exclusif s’est faite en violation de « l’obligation de transparence découlant de l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » et a produit « un effet d’exclusion à l’égard des opérateurs établis dans d’autres Etats membres » qui auraient pu être « potentiellement intéressés par l’exercice de cette activité de gestion ».

C’est donc bien la fin du monopole de la sécurité sociale qui vient d’être consacrée par la Cour de cassation.

Il aura fallu 25 ans à la justice française pour admettre ce qui était parfaitement clair dès la publication des directives de 1992 et dont le juge Thierry Brunet, du tribunal de grande instance de Nîmes, avait fait une juste application en jugeant, le 9 avril 2003, qu’un agriculteur français, « en faisant connaître à la caisse de mutualité sociale agricole du Gard sa volonté de mettre fin à sa participation à ce régime de couverture sociale spécialisé pour lui préférer un dispositif d'assurance conventionnelle directement souscrit auprès d'une compagnie d’un autre Etat membre de l’Union européenne » avait agi conformément aux lois de la République.

Un juge ! Un seul ! Un seul magistrat refusa, en 1941, de prêter le serment d'allégeance au maréchal Pétain. Il s'appelait Paul Didier. Le seul magistrat français qui, dans l'affaire de la sécurité sociale, a osé appliquer la loi s'appelle Thierry Brunet. Son nom est d'ores et déjà entré dans l'histoire. Cet article lui est dédié.

Claude Reichman


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