www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

10/12/14 Charles Gave
       La baisse du pétrole crée un bouleversement
                                     mondial !

Le prix du pétrole vient de se ramasser une gamelle d’anthologie. En quelques semaines, il est passé de plus de 100 dollars par baril à moins de 66 dollars, ce qui est incontestablement une bonne chose. Cette baisse m’amène à essayer de répondre à quelques questions.

Pourquoi est- ce une bonne nouvelle ?

Tout simplement parce que celui qui bénéficie du prix élevé de l’or noir est un rentier alors que ceux qui en souffrent sont les consommateurs et les entrepreneurs. Donc quand le prix du pétrole baisse, nous avons en fait un transfert de richesse massif des rentiers vers les consommateurs et les producteurs, ce qui recueille toujours mon approbation. Il est bon que les rentiers gagnent de l’argent. Il est désastreux qu’ils en gagnent plus que ceux qui prennent des risques.

En fait, quand le prix du pétrole baisse, tout se passe comme si le ministère des finances de l’Arabie saoudite, dans sa grande bonté, accordait une baisse des impôts aux consommateurs et aux producteurs dans le monde entier. Et comme le disait Milton Friedman, « je n’ai jamais croisé une baisse des impôts que je n’aimais pas »

Le monde n’est ni plus riche, ni moins riche, mais plus de richesse va vers ceux qui prennent des risques et moins vers les sangsues. Et transférer de l’argent des rentiers vers les producteurs et les consommateurs, c’est un peu comme de transférer de l’argent du secteur public au secteur privé. Cela marche toujours, comme l’exemple de la Grande-Bretagne le montre depuis bientôt cinq ans, alors que faire le contraire, comme le fait M. Hollande, ne marche jamais.

Alors, pourquoi le pétrole vient-il de baisser sèchement ?

J’ai presque envie de répondre : parce que l’offre était supérieure à la demande …ce qui est bien entendu la réalité, mais n’explique pas grand-chose. Soyons un peu plus sérieux.
Commençons par la demande.

La demande a baissé tout d’abord parce que la croissance économique mondiale est anémique depuis des années, et cela en grande partie parce que le prix du pétrole était trop haut.

Le prix du pétrole élevé des dernières années est donc la cause première de la baisse actuelle. Des prix élevés entraînent une chasse au « gaspi » forcenée, et le PIB d’aujourd’hui utilise beaucoup moins d’énergie pour la même production que le PIB d’il y a 10 ans. La première explication est donc que le prix élevé des dernières années est la cause principale de la chute actuelle. Le prix était au dessus de son niveau d’équilibre à long terme

La deuxième raison se trouve dans le changement de modèle de croissance de la Chine, beaucoup moins gourmand en matières premières, pétrole compris. J’ai souvent eu l’occasion d’en parler depuis plusieurs mois.

Venons-en à l’offre.

Depuis une dizaine d’années sont apparues aux USA des techniques nouvelles de forage et d’exploitation pour les hydrocarbures (fracking, forages horizontaux etc.) qui ont entraîné un développement substantiel de la production et qui du coup ont fait passer les importations de pétrole de 16 millions de barils par jour (Etats-Unis+Canada) à 9 millions aujourd’hui. Sept millions de barils en moins pour les rentiers, voilà qui explique en grande partie la chute. Du coup, les Etats-Unis sont en train de redevenir le plus grand producteur de pétrole au monde, devant l’Arabie saoudite et la Russie.

Troisième question : pourquoi la baisse a-t-elle eu lieu maintenant et non pas il y a un ou deux ans ?

La réponse à cette question a engendré des torrents d’analyses géopolitiques toutes plus intéressantes les unes que les autres, centrées autour de deux thèmes récurrents :

- L’Arabie saoudite fait baisser le pétrole sur ordre des USA pour punir la Russie.

- L’Arabie saoudite fait baisser le prix du pétrole pour tuer le développement de la production aux USA.

Ce qui est intéressant, c’est que ces deux thèses sont contradictoires, mais cela ne semble gêner personne.

En ce qui me concerne, j’ai une autre idée qui a au moins le mérite de la simplicité.
Nous sommes dans une période de destruction créatrice comme le monde en a peu connue dans son histoire. La thèse que je défendais dans un livre que j’ai publié il y a quelques années (« C’est une révolte, non Sire, c’est une Révolution », Bourin éditeur) était que le XIXème avait été le siècle du charbon, le XXème celui du pétrole et que le XXIème siècle serait celui de l’électricité.

Pour ce faire, il suffisait qu’une découverte technologique permette le stockage de l’électricité dans des batteries ou ailleurs.

Or que vois-je ?

Sous la conduite d’Elon Musk, un visionnaire comme les USA en produisent tant, une voiture électrique avec un rayon d’action de plus de 350 km est en commercialisation, ce qui semble indiquer une rupture technologique d’envergure dans le domaine des batteries. Du coup, une usine de fabrication de ces nouvelles batteries est en construction et elle coûtera plus de 3 milliards de dollars, tant la seule chose qui freine la demande pour les nouveaux véhicules reste la disponibilité de ces batteries. Le même homme finance une autre société installant dans les maisons des panneaux solaires qui chargent des batteries, pour faire tourner la maison et le cas échéant recharger la voiture. Ce même homme serait en train de négocier avec les services publics d’électricité locaux, au travers d’une troisième société, la revente de l’électricité produite par ces maisons qui se retrouvent souvent en excédents de capacité.

Apparemment cet homme a compris qu’il fallait :

- Electrifier tout le transport de proximité grâce aux nouvelles technologies.

- Décentraliser complètement la production d’électricité.

- Réorganiser la collecte et la distribution de cette électricité en la faisant passer de la périphérie au centre au lieu de la faire passer du centre à la périphérie. Mauvaise nouvelle pour EDF…

Et l’électricité ainsi produite est en train de voir son coût passer en dessous de l’électricité produite par des hydrocarbures de façon centralisée, inefficace et polluante.

A cela, il faut ajouter qu’un moteur électrique transforme beaucoup plus efficacement l’énergie qu’un moteur à combustion interne. M. Elon Musk, capitaliste d’envergure, s’il réussit ses paris, aura donc plus fait pour réduire les effets de serre que tous les écologistes du monde entier réunis en congrès à Lima en ce moment. Et il l’aura fait en mettant son capital en risque pour gagner de l’argent, au lieu de nous en piquer, et en rendant service aux gens, au lieu de les imposer.

Nul doute que les écologistes français et M. Piketty ne détestent passionnément M. Musk.

Quel rapport avec le pétrole, me dira le lecteur ? Assez évident.

Je serais un Saoudien, au vu de tout cela, je me dirais que la seule stratégie intelligente pour mon pays est de produire au maximum maintenant, tant qu’il y a une demande pour le pétrole, tout en tenant mon avion prêt au départ pour rejoindre ma maison à Nice ou à Marbella au cas où les choses tourneraient mal. Parce que le jour où plus personne ne voudra plus du pétrole saoudien, il vaudra mieux pour les classes dirigeantes locales ne pas être à Riyad

Enfin dernière question : le coût de l’énergie est-il revenu à un niveau qui permettrait à la croissance économique mondiale de retrouver des couleurs ?

Les USA ont connu 9 récessions depuis 1955, et sept se sont produites quand le ratio prix du pétrole / PIB était au dessus de 100. Si ce ratio passe au dessus de 125, la récession arrive presque instantanément (en 2012, la Fed a fait son QE à cause de cela probablement).

Nous venons de quitter la zone dangereuse, ce qui est rassurant. Nous sommes en effet en dessous de 100, ce qui est bien. Mais pour être vraiment rassuré, j’aimerais bien que le prix du pétrole baisse encore d’un bon 30% pour se retrouver aux alentours de 45 dollars par baril, qui semble être le prix d’équilibre à long terme. A ce niveau la, même la France connaîtrait une croissance convenable.

Mais on n’aura pas l’air très malin avec notre nucléaire très coûteux.

Charles Gave


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme