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18/6/13 Charles Gave
        Il faut supprimer le ministère de la culture !

Gramsci, le penseur italien marxiste du début du XXème siècle, soutenait que quiconque prenait le contrôle du monde de la culture se retrouverait automatiquement en contrôle du monde politique trente ou quarante ans après, le monde politique tombant comme un fruit mûr une fois le lavage des cerveaux terminé. La situation française actuelle vérifie, ô combien, ce pronostic. Le monde de la culture est totalement dominé par la gauche depuis bien longtemps, et de ce fait l’emprise politique de cette dernière ne cesse de s’alourdir sur la société française, pour arriver à un quasi monopole aujourd’hui.

Mais le plus extraordinaire est que cette conquête de la culture par la gauche a été organisée et facilitée par… la droite bonapartiste, c’est-à-dire par les gaullistes.

Revenons en arrière. Au début des années 60, les intellectuels français brillent de mille feux et sont traduits dans toutes les langues, qu’ils soient de gauche ou de droite. Quand j’avais vingt ans, je pouvais former mon esprit en lisant Camus, Aron, Jouvenel, Sartre, Foucault, Mauriac, Jean-François Revel, René Girard, Ellul… et dans un mode mineur, Fourastié, JJSS, Suffert, Viansson-Ponté…

Dans le domaine du cinéma s’illustraient Renoir, Truffaut, Tati, Pagnol, Carné, Godard. Des acteurs immenses brillaient dans nos théâtres : Gérard Philippe, Raimu, Jouvet, Michel Simon, Gabin, Blier. Montand, Brassens, Leo Ferré, Jacques Brel, Edith Piaf n’avaient besoin d’aucune protection culturelle pour passer en boucle sur les ondes. Et tous n’étaient pas gaullistes, loin s’en faut. Et c’est là que le drame se produisit.

Agacé par le manque de considération que beaucoup de ces gens talentueux lui témoignaient, De Gaulle, influencé par Malraux (homme de gauche), décida de créer le « ministère de la culture ». L’idée était simple et avait déjà très bien fonctionné sous Louis XIV: si l’Etat distribuait les subventions, les intellectuels français, au lieu d’être des opposants, deviendraient des « clients », de bons toutous, qui feraient et diraient ce qu’on leur dirait de faire ou de dire ou, à tout le moins, se retiendraient d’en dire du mal. Mais ce que n’avaient pas prévu De Gaulle et Malraux, c’est que ce nouvel outil à distribuer des prébendes allait passer dés le début sous le contrôle des gens de gauche.

En effet, un artiste « de droite » (l’espèce est éteinte, ne cherchez plus) se sent déshonoré s’il accepte des subventions, alors qu’un artiste « de gauche » n’a pas de ces délicatesses, puisqu’il méprise le marché, c’est-à-dire la transpiration et tout ce qui ne serait pas artistique. En créant une machine qui ne servirait qu’à subventionner la gauche, ce cher Général garantissait à terme l’écroulement de la culture française, ce qui n’a pas manqué de se produire.

Encore une fois, la loi des conséquences inattendues est à l’œuvre. Comme le disait Raymond Boudon, « les intellectuels français n’aiment pas le libéralisme parce que, dans un régime libéral, ils seraient payés à leur vraie valeur ». On imagine le drame si par malheur cela venait à changer…Et de Gaulle a permis à tous ces jean-foutre d’être payés à un faux prix. Comme quoi, une mauvaise intention ne reste jamais impunie.

Grâce au ministère de la culture, encore une fois créé par De Gaulle, les intellectuels français capables de s’organiser en groupe de pression, c’est-à -dire les intellectuels de gauche (l’homme de droite étant par définition individualiste), ont réussi à se créer des rentes payées par l’Etat, donc par le payeur d’impôt lambda. Il est en effet plus facile de se faire acheter un tableau par le ministère de la culture, en donnant à titre gracieux quelques-unes de ses œuvres au ministre, plutôt que de le vendre à un public ignare. Pour que ces avantages acquis ne soient pas remis en question, il est cependant nécessaire d’exiger d’être protégés contre ceux qui auraient du talent, d’abord en France en verrouillant tous les moyens d’expression pour être bien sûr que ces derniers ne puissent s’exprimer, et pour ceux qui ne vivraient pas en France, en recourant à la censure, c’est-à-dire au protectionnisme.

L’inconvénient en effet de la rente prélevée sur l’Etat est qu’elle est instable, car sujette aux vicissitudes des changements démocratiques. Il faut donc s’organiser pour la défendre d’abord en France, ce qui est facile si on a de bons amis bien placés et des alliés à droite. Mais il faut aussi une structure de pouvoir pérenne (ce cher ministère de la subvention versées aux copains et aux coquins, à fonds perdus), ce que de Gaulle a gentiment fait pour la gauche. Hélas, il faut aussi se défendre contre la concurrence internationale.

Et là il est difficile de réclamer une protection pour nos copains et nos coquins contre ces salopards d’étrangers et de ne pas l’accorder aux travailleurs de l’acier ou de l’industrie automobile, le protectionnisme étant en effet interdit par tous les traités internationaux. Aucun problème, le français est une langue riche, et les ministères regorgent d’ingénieux normal sup qui ne sont pas à un pastiche prés. Le mot « protectionnisme » pose un léger problème ? Parlons solutions et « exception culturelle française ».

Or, cette défense de rentes injustifiées, qui n’ose et surtout ne peut afficher son nom, sévit depuis quarante ans dans notre beau pays, au bénéfice de médiocres tous encartés au parti socialiste. Et comme toujours et partout, le protectionnisme a engendré la misère, et dans cas particulier la misère intellectuelle. A partir du moment où il y a un ministère de la culture, la culture disparaît, exactement comme cela s’est passé en Union soviétique, et pour les mêmes raisons. S’il y avait un ministère du sable au Sahara, en dix ans il faudrait en importer.

Un ministère de la culture et une culture vivante ne peuvent pas coexister. En effet, et comme le disait Tocqueville, dans le domaine de la culture, il faut distinguer trois sortes de relais :

- Les créateurs de culture

- Les diffuseurs de culture

- Les consommateurs de culture.

Et il ajoutait que l’acte de création est un acte individuel et donc aristocratique, à tout le moins libéral. La période démocratique dans laquelle nous rentrons, disait-il encore, va favoriser les diffuseurs de culture au détriment des créateurs de culture pour satisfaire les besoins d’un nombre croissant de consommateurs de culture aux « goûts » de plus en plus bas (fascination du vide aidant). La culture va se massifier et se commercialiser, et dans le cas de la France s’étatiser (cette dernière application est, elle, de Bastiat). Or, un processus de production dont le financement est centralisé et étatisé se dévoie toujours vers la corruption. Dans le cas de la culture, le financement par l’Etat a été capturé par des idéologues qui l’utilisent au profit de leur parti, celui des fonctionnaires, c’est-à- dire le parti socialiste.

Et donc quand j’entends M. Copé, le chef actuel de notre parti bonapartiste, soutenir avec toute l’absence de talent qu’on lui connaît l’exception culturelle française, je me dis que la droite bonapartiste n’a décidément rien compris et ne comprendra jamais rien.

Le cœur nucléaire du pouvoir intellectuel que la gauche exerce sur la France, c’est bien sûr le ministère de la culture. Si j’osais, j’aimerais proposer que la première mesure à prendre, pour tout gouvernement qui voudrait avoir une chance de regagner du terrain dans la bataille des idées, serait de supprimer le ministère de la culture. Dans la foulée, il pourrait aussi faire comme le gouvernement grec, fermer toutes les chaînes de radio et de télévision ne vivant que des subsides de l’Etat, et dont les comptes ou les placements seraient, disons, alternatifs. Et pour faire bonne mesure, privatiser aussi ou fermer le CNRS, mais je m’égare.

Ce serait enfoncer un pieu dans le cœur du vampire qui suce le sang de la France depuis bien longtemps, et la France redeviendrait en quelques années ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, un phare intellectuel pour le monde entier.

Quelle est la probabilité que de telles mesures soient prises lorsque la gauche perdra le pouvoir à la prochaine élection ? Exactement zéro, avec le personnel politique de droite d’aujourd’hui.

Mais nous rentrons dans des temps révolutionnaires. Et la droite la plus bête du monde, et toute la classe jacassière qui l’anime, est à l’évidence à bout de souffle, au moins autant que la gauche la plus intelligente du monde (ci après, la liste des gauches les plus intelligentes du monde que j’ai rencontrées dans ma vie :
?
In memoriam.

Charles Gave









 



 

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