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4/2/13 Charles Gave
         L’Etat français en faillite ? Evidemment !

La classe jacassière, comme l’appelait Raymond Barre est en émoi. L’un des ministres de la République, celui du Travail, ancien ministre des Finances, aurait déclaré que l’Etat français est en faillite.

Renseignements pris, il s’agit de M. Sapin, auteur de cette immortelle prévision en 1992: « L’Europe est la réponse d’avenir à la question du chômage. En s’appuyant sur un marché de 340 millions de consommateurs, le plus grand du monde ; sur une monnaie unique, la plus forte du monde ; sur un système de sécurité sociale, le plus protecteur du monde, les entreprises pourront se développer et créer des emplois. » (Michel Sapin, 2 août 1992, Le Journal du Dimanche).

Devant une telle qualité d’analyse, une telle capacité à discerner les lignes de force du futur, on ne peut que s’incliner comme il faut le faire chaque fois que l’on se retrouve face à un esprit supérieur.

Et donc, si notre nouveau Tocqueville nous dit que l’Etat français est en faillite (le matin), pour nous dire (l’après midi) qu’il s’agissait d’une plaisanterie, il nous faut quand même nous interroger sur le sens à donner à cette boutade, dans la mesure où rien de ce qui vient d’un grand esprit ne doit nous laisser indifférent.

Et la question est: la France (ou l’Etat français) sont-ils oui ou non en faillite ?

J’ai consacré un petit livre, « L’Etat est mort vive l’état » (grand E, petit e, paru chez Francois Bourin Editeur) il y a 3 ans à ce sujet brûlant. Pour ceux qui s’y intéressent vraiment, je ne saurais trop en recommander la lecture dans la mesure où je donne au lecteur tous les éléments pour répondre par lui-même à cette question.

Dans cet article quelque peu satirique, je ne veux qu’esquisser quelques pistes de réflexion (un exercice très inhabituel pour nos élites, j’en conviens).

Commençons par une remarque d’Oscar Wilde à qui on demandait comment il s’était débrouillé pour faire faillite et combien de temps cela avait pris.Il avait répondu : « En vivant au dessus de mes moyens. Au début ça va tout doucement, et à la fin ça va à toute allure. »

Si nous utilisons le modèle de ce cher Oscar (mort à Paris dans la misère) pour analyser la situation française, que pouvons-nous dire ?

La France vit elle au dessus de ses moyens ? La réponse est oui, bien sûr, et de plus en plus. Je ne veux pas assommer le lecteur de chiffres, mais apparemment l’Etat français commence à emprunter pour payer ses dépenses courantes vers le début de l’été, ce qui ne paraît guère raisonnable.

La France a-t-elle une dette importante en raison de son intempérance passée ?
Le dernier budget en équilibre a été présenté sous…Pompidou, et la dette par Français s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros, ce qui est supérieur à plusieurs années de salaire pour la plupart de nos compatriotes. Chaque petit Français qui naît trouve dans son berceau, déposée par les bonnes fées budgétaires et sociales, une injonction de payer au moins 30 000 euros de dettes accumulées par ses grands-parents de la génération de mai 68, la plus bête de l’histoire de France. Et on se demande pourquoi les bébés naissent en pleurant…

Qui finance notre dette ? De braves gens qui ont trop d’épargne, à hauteur de prés de 60 % de nos émissions nouvelles. Comparons au Japon. Les Japonais ont une dette énorme, mais qu’ils financent eux-mêmes. L’épargnant japonais finance l’Etat japonais, ce qui fait que le Japon se doit de l’argent à lui-même, ce qui n’est pas bien grave. Rien de tel en France ou une grande partie de notre dette est détenue par des non-Français. Pendant des années, nous avons vécu au dessus de nos moyens, eh bien un jour ou l’autre, il va falloir vivre en dessous de nos moyens et ce pendant des décennies…

Vont-ils continuer à financer notre dette? Voilà la bonne question ! Un jour ou l’autre, ils vont regarder les chiffres (les vrais) et prendre peur. Or l’investisseur obligataire est une créature craintive et moutonnière. Si l’un commence à prendre peur, automatiquement tous vont avoir peur en même temps, et nous rentrerons dans la phase « rapide « de ce cher Oscar Wilde. Et c’est là que la musique s’arrêtera, comme elle s’est arrêtée d’abord en Grèce, puis en Espagne, au Portugal, en Irlande, en Italie...

Est ce certain? Absolument, surtout si nous ne nous lançons pas dans une réduction drastique des dépenses de l’Etat. Pour 1000 habitants, il y a 40 % de plus de fonctionnaires en France qu’en Allemagne. Comment voulez vous que nous soyons concurrentiels?

Quand cela va t’il se passer ? Alors là, aucune idée, puisque cela ne dépend en rien de ce qui se passe en France mais totalement de ce qui est en train de se discuter à Singapour, Djedda, Tokyo ou New-York. La seule chose que je sache avec certitude, c’est que nous sommes plutôt plus prés de la fin que du début (comme le lecteur le voit, je fais des prédictions fort hardies).

Pourquoi la France emprunte-t-elle à des taux aussi bas, compte tenu des risques qu’elle représente ? Ma réponse sera franche et brutale: je n’en ai aucune idée ! Historiquement, chaque fois que je n’ai pas compris quelque chose, c’était parce que des banques centrales et/ou des banques commerciales étaient en train de faire des choses que la morale réprouve, en termes simples des manipulations de marchés. Comme toutes les banques centrales sont en train de manipuler les taux d’intérêts dans tous les sens, on peut soupçonner le pire.

Bref, il faut remercier notre ministre du Travail de nous avoir rappelé la véritable situation dans laquelle se trouve notre beau pays.

Hélas, nous avons malheureusement remplacé le ministre des loisirs du premier gouvernement Mitterrand par un ministre du travail, à moins que ce ne soit par un ministre du redressement productif, tant il est certain que compte tenu de la politique suivie par son gouvernement, il va y avoir en France de moins en moins de travail, de plus en plus de loisirs et bien sûr, de plus en plus de dettes.

Charles Gave


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