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4/10/14 Charles Gave

              Hong Kong : que va faire la Chine ?

Dans la formule « un pays, deux systèmes », qui préside aux relations entre la Chine et Hong-Kong, réside une ambigüité fondamentale. D’où le pouvoir tire-t-il sa légitimité ? Vient-elle du rôle historique que le PC chinois a joué depuis cinquante ans, ou vient-elle d’une élection libre ?

Le PC chinois pensait qu’organiser des élections « libres » à Hong-Kong, avec des candidats que le PC aurait désignés, répondait à cette contradiction. Le peuple de HK, et en particulier les jeunes étudiants, ne l’entendent pas de cette oreille tant ils comprennent que si cela était le cas, l’indépendance de la justice disparaîtrait très rapidement, et avec elle tout ce qui fait l’attrait de HK, c’est-à-dire d’être une zone de droit. Avec cette disparition, leur niveau de vie se retrouverait rapidement à celui du reste de la Chine, HK ayant perdu tout avantage comparatif.

Et là le PC chinois est bien embêté.

Le PC chinois n’a pas assujetti HK depuis1997 à sa loi tout simplement parce que le vrai but est d’amener Taïwan à rejoindre volontairement l’empire du milieu, en lui montrant qu’il n’y aurait aucun risque à accepter la suzeraineté de Pékin tant ils pourraient continuer à gérer leurs affaires internes librement. A Taïwan, les élections sont libres…
Qui plus est, depuis la crise de 2009, le gouvernement chinois fait tous les efforts qu’il peut pour transformer le yuan en monnaie de paiement internationale, afin de faire pièce au dollar US, totalement dominant dans les échanges inter-asiatiques. Pour cela, ils s’appuient sur le système juridique anglais laissé en héritage à HK par les Britanniques. Sans système juridique sûr et indépendant, pas de statut international pour la monnaie chinoise et échec dramatique pour la Chine.

Devant ces difficultés, faisons une petite analyse «coût/bénéfice» des options qu’a le PC chinois.

1. Faire une répression du style tien an men à HK, et massacrer quelques étudiants pour ramener l’ordre. Fin du rêve du retour de Taïwan à la mère patrie et Taïwan pourrait décider de devenir indépendante. Voilà qui serait un désastre diplomatique et économique sans précédent et terrifierait tous les pays asiatiques qui courraient se refugier dans le giron des Etats-Unis, qui probablement fermeraient leurs frontières aux importations chinoises (voir l’embargo contre la Russie). Cette option est à la fois peu probable et pas du tout souhaitable, même pour les membres du PC les plus obtus.

2. Essayer de laisser pourrir la situation, en espérant que les étudiants vont se lasser. Voilà qui est probable, mais cela veut dire deux ans et demi de vide juridique puisque les élections doivent avoir lieu en 2017, avec des candidats «libres». Et le mouvement étudiant et démocratique aurait de fortes probabilités de repartir à tout moment, sans aucune possibilité de contrôle par les autorités de Chine.

3. Décider que le chief executive actuel, plus ou moins nommé par Pékin est un âne, qui n’a rien compris aux intentions de ses maîtres (alors qu’il n’a fait qu’appliquer les ordres qu’on lui avait donnés, y compris probablement en gazant les étudiants, ce qui à HK ne se fait pas, pas plus qu’à Londres) et que la demande lui soit faite de démissionner. Cela reviendrait à accepter des élections libres à HK en 2017, avec le risque que le même genre de demandes ne surgisse à Shanghai ou à Canton. Cela forcerait sans doute le PC à commencer à organiser des élections «concurrentielles» mais non libres ici ou là, un peu comme nous en avons eu à Singapour, pour « habituer » le citoyen chinois aux pratiques démocratiques. Voilà qui serait immensément bullish pour tous les actifs en Asie. Risque de perte de face cependant…

Logiquement, les autorités chinoises devraient d’abord choisir l’option numéro deux et espérer qu’ils pourront imposer in fine le plan initial de candidats libres mais désignés par le PC chinois.

Si les manifestants ne se laissent pas impressionner ou décourager, il faudra alors que le PC chinois choisisse entre l’option 1 et l’option 3.

Dans un monde rationnel, l’option 3 devrait être choisie à tous les coups.

Mais en ce centième anniversaire de la première guerre mondiale, il n’est pas du tout certain que l’option rationnelle sera choisie, et la probabilité d’un officiel local décidant de prendre la mauvaise option est loin d’être nulle.

Mon argent est sur l’option 3, mais Dieu sait qu’en ce qui concerne la politique, je me suis souvent trompé.

La grande malédiction chinoise est de souhaiter à ses ennemis de « vivre dans des temps intéressants».

A l’évidence, nous vivons tous dans des temps qui deviennent de plus en plus intéressants.

Charles Gave




 
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