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18/9/15 Charles Gave
     
          Etat islamique : il faut viser les parrains !

Chacun ressent une grande tristesse à la vue de ces hordes de populations hébétées et terrifiées se déversant sur une Europe qui a perdu toute mémoire de ce que fut cette partie du monde. Et pourtant, nul ne peut comprendre ce désastre s’il ne comprend pas ce que fut cette région autrefois.

Il se trouve que, par un hasard de mon histoire familiale, je suis né à Alep le 14 septembre 1943, il y a donc très exactement 72 ans, mon père étant l’un des rares officiers français (12 sur 500) présents en Syrie en 1942, ayant choisi de suivre de Gaulle plutôt que Pétain.

Qu’était-encore- le Proche Orient à cette époque. ?

Une merveille de diversités, un véritable kaléidoscope de populations et de religions.
Tous les grands empires étaient passés par là à un moment ou à un autre et y avaient laissé des résidus.

A Alep par exemple, la plus vieille ville du monde, ou plutôt la ville qui est restée ville depuis le plus longtemps dans l’Histoire, ancrée autour de sa citadelle, un quartier arménien jouxtait un quartier juif, lui-même fort prés du quartier grec, tout cela entouré de quartiers musulmans divers et variés où Druzes, Kurdes, Alaouites ou Sunnites résidaient, et tout ce petit monde vaquait à ses occupations.

L’éducation était assurée par des écoles religieuses, en général tenues par des jésuites ou des religieuses chrétiennes (pour les filles) qui accueillaient les enfants de toutes les confessions.

Toutes ces populations étaient arrivées bien entendu avant la conquête musulmane, ce qui leur donnait une espèce de droit moral à rester vivre dans ce qui était après tout « leur » pays. A Baghdâd par exemple, au XVIIIème siècle, 50 % de la population était chrétienne. Les Assyriens, présents dans le nord de l’Irak, chrétiens évangélisés pense-t-on par Saint Thomas, constituaient un groupe très fort, et aujourd’hui, il n’en reste plus. Ils sont tous … en Suède.

En Egypte, les Coptes - les Egyptiens d’origine - qui représentaient au moins
20 % de la population tenaient toute une série de positions essentielles dans le commerce, les universités ou même la politique (beaucoup furent ministres) et faisaient partie intégrante du système, ce qui en assurait la force et la résilience.

Les Juifs constituaient une part importante et essentielle des populations locales, comme par exemple à Alexandrie, et cela depuis sa création par Alexandre, puisque c’était là que l’Ancien Testament avaient été traduit en grec pour la première fois. Mais ils étaient également présents en Irak (depuis l’exode au moins) et aussi dans chacune des grandes métropoles historiques, Damas, Istanbul, le Caire. Aujourd’hui et pour la première fois dans l’histoire, il n’y a plus de Juifs sur la côte sud de la Méditerranée, sauf en Israël bien sûr.

Certes, de temps en temps, il y avait un coup de grisou comme pendant les pogromes de Damas à la fin du XIXème siècle, mais dans l’ensemble les choses rentraient dans l’ordre assez rapidement, les autorités turques ou locales n’ayant que peu de patience pour les trublions.

De tout cela, il ne reste plus rien et la question est : pourquoi ?
Pour répondre, je vais devoir mettre en lumière deux réalités qui plombent le Proche-Orient depuis les années 40.

La première a - un peu- à voir avec l’histoire de ma famille.

Mon grand-père, Ernest Schoeffler, était gouverneur des Alaouites pendant le mandat français. Les Alaouites, qui sont regroupés majoritairement autour de Lattaquié dans le nord de la Syrie, représentent une des branches du chiisme et ce sont eux qui exercent le pouvoir - ou ce qu’il en reste - en Syrie en ce moment avec la famille Assad.

Pour faire court, mon grand-père, conscient de la diversité incroyable de ces populations, avait promis aux populations locales qu’à la fin du mandat français sur la Syrie, les Alaouites auraient leur Etat indépendant ou à tout le moins autonome. Sa thèse était en effet que chaque « ethnie », quand elle était majoritaire dans une région, devait pouvoir avoir son propre « Etat ». Ce devait être le cas pour les Alaouites bien sûr, mais aussi pour les Kurdes, pour les Chrétiens libanais, pour les Druzes, pour les Juifs, pour les Sunnites… aucun de ces Etats ne devenant assez puissant pour en attaquer un autre tant il aurait craint l’intervention d’une vraie puissance, telle la France, la Grande Bretagne, voire la Turquie.

Arrive le Front Populaire en France.

Mon grand-père est convoqué à Paris par son ministre de tutelle qui lui fait savoir que la politique de la France à partir de ce moment serait de promouvoir l’avènement d’un grand Etat syrien, laïque bien sûr, radicalisme oblige. Tout fut donc mis en œuvre pour créer des « structures » centralisées : armée, gendarmerie, administration centrale, éducation, santé… et les conséquences de cette erreur fatale furent celles que l’on pouvait attendre.

Le but essentiel de chacune des communautés fut de prendre le contrôle de ces structures centrales pour «protéger» sa propre communauté.

Ainsi - et peu de gens le savent - comme les Sunnites représentent plus de la moitié de la population en Syrie, les Alaouites gouvernent la Syrie depuis bientôt quarante-cinq ans avec le soutien tacite de toutes les autres minorités, les Chrétiens, Chiites de pure obédience, Kurdes, Turcs, Arméniens etc.

Et je suis prêt à parier que tous ceux qui se sauvent de Syrie aujourd’hui font partie de ces minorités et savent fort bien qu’ils seront massacrés par les Sunnites au cas où la famille Assad perdrait le pouvoir.

Le premier des ces deux mouvements fut donc la tentative de créer partout au Proche-Orient des « Etats » centralisés avec lesquels on pouvait s’engager dans des manœuvres diplomatiques dans lesquelles nos élites du Quai d’Orsay ou du Foreign Office pouvaient déployer leurs immenses talents, ce qui était un changement total par rapport à la pratique turque.

Les Turcs avaient en effet géré la région quasiment « de l’extérieur », tapant avec beaucoup d’enthousiasme sur quiconque s’essayait à changer le fragile équilibre qui régnait dans la région, et cela avait marché pendant des siècles. Nous avons fait exactement le contraire en imposant des structures centralisées à des populations qui ne vivaient ensemble que par hasard, qui n’avaient pas grand-chose en commun et qui n’eurent comme objectif à partir de ce moment-là que de prendre le contrôle des ces structures pour se protéger contre la majorité sunnite dont le but assez rapidement fut en effet de procéder aux purifications ethniques qui s’imposaient.

Ce qui m’amène au deuxième point.

Les Sunnites syriens ou égyptiens étaient en général de fort braves gens, tolérants, organisés en « clans » sous le contrôle d’un grand ancien qui faisait régner l’ordre dans sa «gens».

Toute cette organisation millénaire s’écroula bien sûr avec l’arrivée du socialisme arabe - autre stupide importation bien de chez nous (Nasser, Parti Baath) - mais aussi plus tard du wahhâbisme en provenance d’Arabie Saoudite en réaction à ce socialisme arabe.
Le wahhâbisme est de loin la version la plus rétrograde de la religion musulmane et le trône saoudien a été créé par l’alliance du clergé wahhabite avec Ibn Saoud.

Et depuis des lustres l’argent saoudien coule à flot partout en Europe, en Orient, au Proche-Orient pour financer écoles coraniques, imans, terrorisme et autres joyeusetés. Et le but essentiel de toute cette mafia est d’amener au pouvoir, partout les sunnites qu’ils auront formés. Les Qataris, eux-mêmes encore plus wahhabites que l’Arabie Saoudite, se sont joints à la partie récemment pour financer ces associations de malfaisants, ce qui n’est pas très difficile compte tenu de leurs immenses ressources financières, le but essentiel étant de procéder à la purification religieuse de toutes ces scories historiques qui encombrent le Proche-Orient et qui n’ont rien à voir avec la vision du Prophète telle que se la représente les wahhabites. L’Etat islamique n’est rien d’autre que le résultat normal du wahhâbisme.

Et le plus extraordinaire est que tout cela se fait avec l’appui officiel de nos dirigeants, monsieur Hollande et avant lui messieurs Sarkozy et Chirac étant les soutiens les plus actifs de cette idéologie effrayante. Tout cela bien sûr avec l’aide du Quai d’Orsay, fidèle comme toujours à ses préjugés antichrétiens et antisémites.

Je ne peux pas imaginer que ce soutien soit dû à la présence dans le corps électoral français de 10 % de musulmans, tous sunnites, et dont une part non négligeable a été gangrenée par cette horreur intellectuelle qu’est le wahhâbisme. Après tout monsieur Hollande n’a été élu que parce que plus de 90 % des musulmans ont voté pour lui … mais je ne peux croire à une telle abomination, quel que soit le mépris que m’inspire ce personnage. Et cela n’explique ni Sarkozy, ni Chirac.

A la lecture de ce petit survol historique fort marqué par l’histoire de la famille de l’auteur au Proche-Orient, le lecteur doit se demander ce qu’il faut faire dans cette pétaudière.

La réponse est simple : d’abord identifier l’ennemi, qui n’est pas la religion musulmane mais le wahhâbisme, et donc rompre avec ces Etats criminels que sont l’Arabie Saoudite et le Qatar, fermer nos ambassades, arrêter toutes relations commerciales avec eux, expulser leurs ressortissants qui vivent chez nous.

Bien entendu, cela veut dire aussi cesser de leur vendre des avions, des armes, des hélicoptères, des missiles, des radars et que sais je encore, ce qui serait bien triste pour certaines de nos industries, mais armer nos ennemis n’a jamais été une politique satisfaisante à long terme.

Mais comme les mêmes Etats financent à qui mieux mieux non seulement nos soi-disant partis de gouvernement lors de campagnes électorales qui deviennent de plus en plus chères, mais aussi toute une série de « machins » à Bruxelles ainsi qu’une bonne partie de nos medias, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai des doutes.

Comme le disait Lénine, « les partis bourgeois seront assez stupides pour financer la corde avec laquelle nous les pendrons. »

Plus ça change…

Charles Gave


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