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6/3/13 Charles Gave
Elections italiennes, ou quand les Oints du Seigneur                         se prennent une raclée !
 
Pour faire simple, il y a trois sortes de personnes dans la vie.

Ceux qui veulent se débrouiller tout seuls, s’occuper de leurs affaires et qu’on les laisse tranquilles. De façon générale, quand ils prennent des risques, ils en assument les conséquences. C’est dans cette catégorie que l’on peut ranger les « entrepreneurs », et c’est d’eux, et d’eux seuls, que dépend la croissance économique puisqu’ils sont responsables de la « destruction créatrice » de ce cher Schumpeter, sans laquelle aucune croissance n’a jamais eu lieu, nulle part.

Ceux qui veulent que l’on s’occupe d’eux. Catégorie parfaitement honorable, mais qui ne cultive pas un amour exagéré du risque. On y trouve les fonctionnaires, les salariés des très grandes entreprises, les rentiers, les retraités…Vivre dans l’incertitude leur est difficile, leur but étant de voir leur vie s’écouler comme un long fleuve tranquille.

Ceux qui veulent s’occuper des autres sans vraiment travailler, probablement parce que leur maman ne les a pas assez aimés quand ils étaient petits. On les trouve aujourd’hui dans la politique ou dans les médias. Leur processus intellectuel est toujours le même : ils « diagnostiquent un problème, » ils « offrent une solution » (qui en général passe par un accroissement des pouvoirs de l’Etat - et donc de leurs pouvoirs à eux), la solution échoue (comme toujours quand l’Etat se mêle de quelque chose en dehors des domaines régaliens), ce qui ne les gêne en rien puisqu’ils ont une « nouvelle solution » pour régler les problèmes qui n’existaient pas et qu’ils ont créés de toutes pièces, et surprise, surprise, cela suppose à nouveau un rôle accru de l’Etat ( et donc de leurs pouvoirs). Ils veulent en général laisser leur nom dans l’Histoire. Thomas Sowell les appelle les « Oints du Seigneur » (ou ODS) (annointed, en anglais), pour bien montrer la nature religieuse et non scientifique de leur discours.

L’idée est toujours que nos « élites » vont intercéder pour nous auprès de la Divinité, mais que pour que ça marche, il faut que nous les payions constamment et fort cher. Rien de neuf donc, la base de tout charlatanisme ayant toujours été l’infinie crédulité des victimes (Voir « Le Devin » chez Astérix et Obélix, ou le programme de M. Hollande à la dernière élection pour plus de détails)

Le schéma théorique tel que décrit par Sowell s’est déroulé dans la pratique de façon impeccable avec l’euro.

Chaque pays était géré selon son pacte social et disposait de sa propre monnaie. Si un pays était bien géré, sa monnaie montait, s’il était mal géré, sa monnaie baissait, ce qui fait que tous les entrepreneurs européens étaient sur un pied d’égalité, les dévaluations et réévaluations ajustant les différences d’efficacité des systèmes politiques. Ce n’était pas très élégant, mais ça marchait plutôt bien. Tout allait donc bien en Europe, et la croissance était à peu prés partout la même puisque tous les entrepreneurs étaient sur un pied d’égalité.

Pour nos ODS, tout cela était au contraire très, très mal, car l’on ne faisait jamais appel à leur services et cela voulait dire que le marché (et non pas eux) déterminait le taux de change et le taux d’intérêt qui s’appliquaient à chaque pays. Si la politique suivie était stupide, le taux de change baissait et le taux d’intérêt montait, ce qui est insupportable si vous êtes sorti premier de l’école et que vous êtes à l’origine de cette politique stupide. Pour eux, il allait falloir remplacer tous ces systèmes inefficaces par un bon gros Etat central qui saurait gérer l’Europe au bénéfice de tout le monde et surtout cacher leurs erreurs le plus longtemps possible.

Et qui gérerait ce nouveau monstre ?

Quelle question ! Nos ODS bien sûr! Qui d’autre ?

La première étape vers la création de cet état Européen se fera par la monnaie, nous dirent-ils, et de ce fait nous aurons une merveilleuse convergence des économies sur tout le vieux continent. L’euro est créé dans l’enthousiasme général pour améliorer des choses qui n’en avaient guère besoin, mais soit.

Attali, Minc, BHL Rocard, Juppé, Sapin, Adler, etc., tous sauf Philippe Seguin dont il faut relire le discours sur l’euro, nous annoncent une longue période de croissance ininterrompue, accompagnée par une baisse du chômage et une convergence des niveaux de vie partout en Europe (relire les déclarations de tous ces Oints du Seigneur aujourd’hui est irrésistible). Bien plus, nous assurent les mêmes, politiquement, l’euro permettra de contrôler l’Allemagne, bien trop puissante après sa réunification et donc contribuera à la bonne entente entre tous.

Douze ans après, où en sommes nous ?

Cinq ou six pays européens sont en faillite ou en quasi faillite, le chômage atteint 25 % en Espagne, 50 % chez les jeunes de l’Europe du Sud, nos systèmes bancaires sont en danger d’implosion et l’Allemagne donne des ordres à tout le monde. Tout le contraire de ce qu’ils nous avaient vendu. Difficile de se tromper plus ! Les responsables de ce désastre, honteux et confus, ont-ils décidé de se faire rare et de demander pardon aux populations, ce qui serait la moindre des choses ?

Point du tout !

Ces mêmes Oints du Seigneur emplissent les ondes de leurs bavardages incessants, publient articles sur articles, passent à la télévision sans arrêt pour nous expliquer que l’euro n’est pas un échec, qu’il faut leur faire confiance et continuer l’expérience. Je crois voir M. Marchais pérorant sur le bilan globalement positif du communisme. Qui plus est, nous disent -ils, ils ont cette fois la solution à tous les problèmes (qu’ils ont créés) et cela passe parce qu’ils appellent des réformes dans les pays qui ont été tués par leurs solutions précédentes. Comme les recettes fiscales se sont effondrées (à cause de leurs politiques débiles), il faut de toute urgence combler les déficits budgétaires ainsi créés qui sont en contradiction avec des traités que personne n’avait respectés jusque-là. La seule solution, pour nos ODS (et c’est ce qu’ils appellent réforme), est d’augmenter les impôts sur la catégorie numéro 1, celle des entrepreneurs, selon le bon vieux principe qu’il faut prendre l’argent là où il est, c’est-à-dire chez ceux qui ont accès à du capital et qui sont donc « riches ». Nos Oints du Seigneur français y mettent un zèle tout particulier, mais M.Monti en Italie a fait au moins aussi bien.

L’embêtant c’est que taper sur la catégorie numéro 1(les entrepreneurs), cela veut dire assez rapidement chômage, appauvrissement, baisse du niveau de vie, pas pour les ODS bien sûr, mais pour les personnes de la catégorie numéro 2, qui du coup ne peuvent plus vivre tranquilles, ce dont les Italiens se sont rendu compte et ce dont les Français commencent à se rendre compte également. Et c’est là que les choses deviennent amusantes. La catégorie numéro 2 (en Italie tout au moins) a parfaitement compris le manège des ODS qui ne gèrent que pour leur avantages à eux, et donc que les remèdes proposés par nos charlatans sont en fait bien pire que le mal. Et du coup ils viennent de voter (à 55%) pour se débarrasser des Oints du seigneur, dont le représentant, M. Monti, a ramassé une énorme claque.

Concert de lamentations ! Hurlements de désespoirs! Cris de rage ! Ces Italiens ne sont décidément pas sérieux !

Ils ont osé désavouer M.Monti, pourtant ancien professeur d’économie, ancien consultant de Goldman -Sachs, ancien de la Commission européenne, et fonctionnaire toute sa vie, ce qui à l’évidence le désignait comme capable de réformer une économie pour en assurer la croissance. Rien ne nous a été épargné, tous les clichés y sont passés
Les Italiens? Des guignols. La construction européenne mise en danger ! Pensez donc ma pauvre Lucette ! Le futur de l’euro, cette merveille que le monde entier nous envie et qui contribue puissamment à la prospérité européenne comme chacun le voit tous les jours, compromis. Le rêve millénariste d’une Europe « puissance » encore une fois retardé par cette nuisance considérable qu’est le vote d’un peuple.

La démocratie (pouah ! comprendre le capitalisme) qui se met à gêner la marche triomphante de la technocratie…. A quoi sert donc d’aller à Davos chaque année pour communier entre égaux dans la vraie foi si c’est pour tomber sur un obstacle aussi bas que la volonté du peuple italien ? Et pourtant, pour les peuples européens, ce qui vient de se passer en Italie est sans doute la meilleure nouvelle qu’ils aient eue depuis la chute du mur de Berlin.

Depuis des années, nous vivons une espèce de coup d’Etat larvé mené par des technocrates non élus (Delors, Trichet, Monti, Prodi etc..) pour capturer la souveraineté des nations européennes et la transférer bien entendu au profit de leur « classe » (au sens marxiste du terme). Pour la première fois, un peuple européen, un souverain a rejeté par plus de 55 % des suffrages exprimés ce projet liberticide qui a tué toute croissance en Italie depuis quinze ans.

Les Italiens viennent de rappeler qu’ils étaient maîtres chez eux, maîtres de leur futur et que ce futur serait déterminé en Italie et non pas à Bruxelles, Berlin ou Francfort.

Le lendemain de l’élection, la panique dans les rangs des ODS était totale. Mais heureusement les chefs des ODS en ont vu d’autres ! Très rapidement, les membres éminents de la classe technocratique firent passer le message aux médias et à leurs représentants dans les marchés financiers qu’il fallait agir comme d’habitude, prétendre que rien ne s’était passé, et suivre la tactique déjà expérimentée lorsque Français, Hollandais ou Irlandais avaient eu le mauvais goût de voter contre nos chers technocrates. Etouffer la révolte en n’en parlant pas. Continuer comme si de rien n’était et faire croire que rien n’avait changé, tel a été le mot d’ordre.

Peut-être les peuples vont-ils se rendormir encore une fois ? Peut être, mais je ne le crois pas. Quelqu’un, en Italie, a crié « le Roi est nu », et le peuple l’a entendu.

L’euro est un échec cinglant, inimaginable, et pourtant personne dans les médias n’a dit ou n’a osé dire que les problèmes de l’Italie, de l’Espagne, de la France du Portugal venaient de l’euro. Le peuple italien, lui, semble avoir compris cette vérité.

L’euro est un système dysfonctionnel qui ne peut pas marcher, ni plus ni moins que le communisme ne le pouvait, et pour les mêmes raisons.

Quand Soljenitsyne a publié « L’archipel du goulag », plus personne, même au Café de Flore, ne pouvait prétendre qu’il ne savait pas.

C’est ce que Beppe Grillo a réussi à faire en Italie. Il appartient toujours aux génies, aux enfants ou aux bouffons de dire la vérité.

Je crois que ce qui vient de se passer chez nos voisins est éminemment important et remarquablement positif. Les ODS, de façon viscérale, haïssent la liberté et veulent toujours et partout l’étrangler. Nous avons eu une tentative de capture de la démocratie par un coup d’Etat organisé par des gens qui la détestent viscéralement, au moins autant qu’ils détestent les marchés et les monnaies qui ne sont pas sous leur contrôle.

Les Italiens ont commencé à dire « basta cosi » à ce coup d’Etat. Ce peut être une nouvelle immense…ou un faux départ de plus. Je vais surveiller la situation italienne et je n’ai pas le moindre doute que des tentatives vont être faites pour empêcher à tout prix ce retour de la liberté individuelle. Mais pour la première fois depuis longtemps, très longtemps, je reprends confiance : non, le monde ne va pas être géré par des technocrates jusqu’ à la fin des temps. Une lumière vient de s’allumer au bout du tunnel, en Italie, de l’autre côté du Mont-Blanc.

Charles Gave



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