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18/3/13 Charles Gave
    Il faut être fou pour garder son argent dans une  
   
banque italienne, espagnole, portugaise, grecque
                                ou française !

Tout le monde se souvient de l’assassinat « légal » du duc d’Enghien par Napoléon. Le forfait accompli, Fouché, le redoutable ministre de la police de l’Empereur eut ce mot terrible : « C’est plus qu’un crime, c’est une faute. »

Je crois qu’on peut appliquer cette phrase à ce qui vient de se passer à Chypre.

Les déposants dans les banques locales vont être taxés de 6,5 % de la valeur de leurs dépôts s’ils avaient moins de 100.000 euros et de 10 % au dessus. Cela devrait rapporter environ 10 milliards d’euros, la troïka avançant de son côté 10 milliards d’euros également.

La justification « morale » de ce qu’il faut bien appeler une expropriation serait que Chypre aurait servi de place de recyclage pour l’argent de la mafia russe. Une question s’impose : ou bien la BCE le savait depuis longtemps et n’a rien fait, et dans ce cas-là, pourquoi ? Ou elle ne le savait pas et c’est totalement inexcusable, surtout après ce qui s’est produit en Grèce.

Dans les deux cas de figure, la BCE a perdu toute crédibilité. Mais ce désastre de relations publiques n’est que mineur comparé aux implications de ce qui vient de se passer.

Il est trop tôt pour essayer de juger des conséquences à long terme de cette décision, mais rien n’interdit de réfléchir à quelques suites logiques.

Les voici.

Une atteinte incroyable vient d’être portée par la technostructure européenne au droit de propriété. Entre l’euro et le droit de propriété, garanti par toutes les constitutions en Europe, ils ont choisi l’euro. Voilà qui va avoir de fort lourdes conséquences à long terme. La route de la nationalisation des dépôts est ouverte.

Cette même technostructure s’arroge le droit de lever des impôts sur la population chypriote, ce que rien ne lui permet dans les traités. Les eurocrates viennent d’inventer l’imposition sans représentation. Il s’agit ni plus ni moins d’un coup d’Etat ! Aujourd’hui Chypre, demain qui ? Ayant échoué avec Monti en Italie, ils passent à l’étape suivante, la prise de pouvoir pure et simple, et au diable la démocratie.

Cette décision montre à l’évidence que cette technocratie ne reculera devant rien pour maintenir cette imbécillité économique invraisemblable qu’est l’euro, ce qui veut dire que ni la liberté ni le patrimoine d’un seul Européen ne sont garantis tant que ces gens-là monopoliseront un pouvoir où personne ne les a élus.

Les petits épargnants sont massacrés beaucoup plus que les gros. Les « gros » gardent peu d’argent en cash et sont investis en bons, dans des fonds communs ou en actions. Les « petits » ont la plus grosse partie de leurs actifs en cash. C’est eux qui sont punis alors qu’ils n’ont rien fait de répréhensible. Voilà qui est moralement insupportable. Les oligarques à Moscou doivent rire aux éclats.

Techniquement, voici les conséquences financières que l’on peut tirer de ce coup d’Etat contre les libertés.

Les banques chypriotes vont devoir vendre des actifs à hauteur de 10 % de leurs dépôts, ou les escompter à la BCE pour payer cette amende. Voilà qui ne va pas aider les marchés financiers à rester haussiers.

Il faut être complètement demeuré si l’on est Italien, Espagnol, Portugais, Grec ou Français, pour garder des dépôts dans une banque locale. La loi de Gresham va se remettre en route de façon accélérée, la mauvaise monnaie chassant la bonne, et tous les dépôts des pays douteux vont filer au Luxembourg , en Allemagne ou en Suisse, amenant à des effondrements des masses monétaires dans les pays faibles. Les écroulements de masse monétaire préludent rarement à une bonne activité économique. La dépression en Europe du Sud va s’aggraver dramatiquement.

Les dépôts dans les banques vulnérables des pays vulnérables vont donc s’effondrer. L’embêtant est que ces dépôts ont déjà été prêtés à des sociétés ou investis dans des obligations d’Etat, souvent l’Etat local. Les prêts aux entreprises locales vont donc non seulement complètement se tarir, mais les demandes de remboursement par les banques des prêts consentis par le passé vont exploser, tandis que les taux d’intérêts sur ces prêts vont monter très fortement, ce qui veut dire que les trappes à dette dans lesquelles se trouvent la plupart des pays du sud de l’Europe vont se creuser encore plus.

Parallèlement, il va falloir vendre les obligations des Etats locaux dans un marché ou les acheteurs auront disparu, le seul acheteur étant la BCE. Le bilan de la BCE va exploser de façon inouïe, et l’euro va probablement s’effondrer.

Pas une banque saine dans un pays sain ne va vouloir prêter le moindre euro aux banques douteuses dans les pays douteux. Le marché interbancaire, en convalescence depuis quelques mois, va totalement disparaître, ce qui va entraîner un écroulement de la vélocité de la monnaie partout en Europe, toujours précurseur d’un effondrement économique.
Bref, depuis que l’euro a été créé, je dis que ce Frankenstein financier ne peut pas marcher et que tout cela se terminera mal. Cela devient de plus en plus évident pour tout observateur quelque peu intelligent.

Devant cet échec patent, les concepteurs de ce monstre vont de coup de force en coup d’Etat, brisant tout ce qui avait été accepté dans les traités européens et s’arrogeant un pouvoir que les peuples européens ne leur ont pas accordé.

Déjà les Italiens ont fait part de leur mécontentement, et tous nos technocrates de dire que le vote italien n’a aucune importance. Nous verrons.

La bonne nouvelle, c’est que nous arrivons à la fin de cette imbécillité trichetienne ou delorienne.

La mauvaise est que comme ces redoutables incompétents sont sans scrupules, je n’ai aucune idée de ce qu’ils vont encore inventer pour retarder l’inévitable.

J’attends depuis près de cinq ans la fin du Frankenstein. Elle se rapproche. Il faut se préparer à intervenir pour le jour où la mise à mort aura lieu. Voilà un jour qu’il faudra commémorer, comme l’on devrait commémorer la chute du mur de Berlin.

Encore une fois, la disparition de l’euro sera une bonne, une très bonne nouvelle.

Charles Gave



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