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22/5/12 Thierry Desjardins
   C’est au tour de la droite de traverser le désert !

A peine la campagne présidentielle terminée, nous sommes entrés en campagne pour les législatives. S’agit-il d’une simple formalité ? En principe oui.

Dans notre système hybride où le président désigne le Premier ministre mais où celui-ci doit avoir la confiance de l’Assemblée, il serait normal que le peuple donne une majorité au président pour que son gouvernement puisse mettre en œuvre le programme pour lequel il a été élu. Jusqu’à présent c’est toujours ce qui s’est passé. Au lendemain des présidentielles de 1981, 1988, 2002 et 2007, nous avons eu des « vagues », roses ou bleues, qui ont déferlé sur le Palais Bourbon. En 1995, Chirac, élu, n’avait pas voulu dissoudre l’Assemblée, s’imaginant que la majorité qu’il avait fait élire en 1993 lui serait fidèle. Or, les chiraquiens de 1993 étaient, entre temps, devenus balladuriens. Ce fut la grande erreur de son septennat.

Aujourd’hui, l’UMP répète qu’il serait malsain que la gauche qui a déjà l’Elysée, le Sénat, presque toutes les régions et la plupart des départements et des grandes villes ait aussi l’Assemblée, c’est-à-dire Matignon. Or la droite ne trouvait rien à redire quand c’était elle qui avait l’Elysée, le Sénat, l’Assemblée, Matignon et le reste.

L’UMP prône soudain la cohabitation en évoquant un besoin d’équilibre. Mais l’expérience - Mitterrand-Chirac, 1986-1988, Mitterrand-Balladur, 1993-1995, Chirac-Jospin, 1997-2002 - prouve que la cohabitation n’est pas l’équilibre des pouvoirs mais bien la paralysie du régime. Contrairement à ce que certains nous affirment, les Français n’ont jamais choisi la cohabitation, comme ils auraient pu le faire en 1981, en 1988, en 2002 ou en 2007. Ils se sont contentés de désavouer à mi-parcours, en 1986, en 1993, en 1997, le président qu’ils avaient élu quelques années plus tôt et qui les avait déçus.

Le quinquennat avec les législatives dans la foulée de la présidentielle supprime, en principe, le risque de la cohabitation. Ou alors il faudrait qu’au cours du petit mois qui sépare la présidentielle des législatives, le président, à peine élu, commette des erreurs impardonnables et que son opposition qu’il vient de battre dans la course à l’Elysée se révèle soudain bien meilleure que lui.

Ces deux impératifs ne semblent pas réunis pour l’instant.

François Hollande n’a, jusqu’à présent, pas fait de faute. Il n’a pas nommé Martine Aubry Premier ministre, n’a pas donné de portefeuille aux communistes, amis de Jean-Luc Mélenchon, et n’a offert qu’un os à ronger aux Ecologistes. Et tout le monde reconnaît que ses premiers pas sur la scène internationale ont été tout à fait honorables pour un débutant, aussi bien en face d’Angela Merkel et des chefs d’Etat du G8 auxquels il a répété que la croissance était tout aussi indispensable que les équilibres budgétaires, qu’en face de Barack Obama et des dirigeants de l’OTAN devant lesquels il a réaffirmé que les troupes « combattantes » françaises quitteraient l’Afghanistan avant la fin de l’année, conformément aux engagements qu’il avait pris devant les Français.

Certes, quelques nostalgiques d’un passé lointain trouvent qu’il n’a pas encore tout à fait l’allure d’un chef d’Etat et que la présence à ses côtés de celle que les Américains ont baptisée la « first girl friend » a quelque chose de choquant. Mais Nicolas Sarkozy avait plutôt encore moins d’allure et ni Cécilia ni Carla n’avaient rehaussé son prestige.

La grande chance des socialistes pour ces législatives c’est, évidemment, la déliquescence actuelle de la droite. La désertion de Sarkozy l’a rendue orpheline. Et s’ils sont déjà nombreux à rêver à 2017, on voit mal dans quel ordre de bataille et derrière qui les candidats de l’UMP pourront affronter le scrutin du mois prochain.

De la droite dite « populaire » à la droite dite « humaniste », en passant par toutes les autres droites de l’UMP, chacun se renvoie, sur un ton haineux, la responsabilité de la défaite. Les uns, prêts à tout pour sauver leur siège, vont jusqu’à imaginer des arrangements locaux possibles avec le Front national. Les autres, ne pensant, eux aussi, qu’à sauvegarder leur circonscription, se sentent soudain des âmes de centristes.

Mais pour aller à la bataille, il faut avant tout un chef de guerre.

Juppé, totalement écœuré et qui regrette sans doute de s’être embarqué sur le tard à bord du navire en perdition de Sarkozy, semble avoir totalement abandonné la partie. Il est vrai que s’il était resté prudemment à Bordeaux au lieu d’accepter les plats de lentilles que lui proposait Sarkozy, il aurait pu, aujourd’hui, apparaître comme un recours de la droite.

Fillon, qui est convaincu que la droite va être étrillée lors de ce scrutin et qui est persuadé que l’Hôtel de Ville est le meilleur tremplin pour l’Elysée, ne pense qu’aux prochaines municipales et ne va donc pas aller à l’abattoir.

Reste Copé. En tant que patron de l’UMP il est d’ailleurs tout désigné pour se sacrifier et il veut croire qu’en menant les troupes, même à la défaite, il deviendra le chef incontestable de la droite pour diriger pendant cinq ans l’opposition et, mieux encore, affronter Hollande en 2017.

Copé qui, par ambition toute personnelle, souhaitait visiblement la défaite de Sarkozy, pense être aujourd’hui l’homme providentiel. Mais il s’en cache si peu qu’il ne semble guère séduire ni les ténors, un peu aphones, de l’UMP, ni les militants de base, ni même et surtout les électeurs. Caricature de technocrate formé à l’ENA, il fait, en plus, avec ses dents qui rayent le parquet, trop penser à Sarkozy. Même propension pour la démagogie, même absence de colonne vertébrale, même attirance pour les grosses fortunes avec lesquelles il n’a jamais hésité à se compromettre jusqu’au cou.

Après avoir rejeté Sarkozy moins pour ses échecs que pour sa personnalité, les Français vont-ils s’enticher de cette sorte de sosie ?

Mais, après tout, c’est sans doute au tour de la droite de traverser le désert. Elle peut faire confiance à la gauche pour multiplier les fautes, les erreurs et les pires absurdités au cours de ce quinquennat qui commence. Ne serait-ce que si Hollande tente vraiment d’appliquer à la lettre son programme.

Thierry Desjardins

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