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10/7/12 Thierry Desjardins
          Le temps n’est pas aux palabres inutiles !

Mis à part quelques professionnels du genre, les « gens de droite » n’osent pas encore tirer à boulets rouges sur ce gouvernement de gauche qui commence à s’installer. Le bilan des dix dernières années est trop mauvais pour qu’ils puissent déjà ironiser sur les rodomontades de François Hollande et de ses amis. Chacun espérant, bien sûr, pour le pays que les choses finiront par s’arranger, on veut laisser leur chance à ces nouveaux venus, même si on ne croit guère en leurs promesses.

Pour l’instant, Hollande et Ayrault se sont contentés d’amuser la galerie avec quelques broutilles, l’augmentation de l’allocation scolaire de rentrée, celle du SMIC (2%, en fait 0,6%), le blocage des loyers, la limitation de l’augmentation du prix du gaz. Ils ont aussi réaffirmé plusieurs promesses de la campagne, le mariage des homosexuels, le vote des étrangers, la modification des rythmes scolaires et, plus sérieusement, l’embauche de 60.000 nouveaux fonctionnaires dans l’Education nationale et la mise en place des contrats de génération auxquels personne ne comprend rien.

On ne voit pas encore comment la nouvelle équipe compte vraiment s’attaquer aux deux problèmes-clés du pays : le chômage qui ne fait qu’augmenter et la dette qui, elle aussi, ne fait que s’aggraver. Matraquer les riches et les grandes entreprises ne facilitera pas la croissance qui, seule, peut permettre de créer des emplois et de combler les déficits.

On a envie de rappeler à ces débutants les deux fameuses phrases de Pompidou : « Trop d’impôts tue l’impôt » et « Le problème du partage serait grandement facilité si on avait davantage à partager ».

En fait, la véritable innovation de ce nouveau régime semble bien être la méthode. Le président de la République recherche le consensus. Il va donc organiser des conférences, des tables rondes, des colloques, des symposiums, des débats au cours desquels, autour de ministres tout sourire, les syndicats, le patronat, les représentants des forces vives, les acteurs de la société, les associations de ceci et de cela débattront de tous les problèmes que l’Etat et tous les gouvernements successifs ont été totalement incapables de résoudre.

Dans un premier temps, c’est politiquement assez malin. En ressortant l’idée chère à Ségolène Royal de la politique « participative », le gouvernement se veut plus démocrate que les Helvètes eux-mêmes et refile le bébé aux éternels râleurs en leur demandant de se dépatouiller eux-mêmes. En clair, le gouvernement se défausse et personne ne pourra lui reprocher d’avoir ainsi donné la parole « au peuple ».

François Hollande voudrait même que ce principe de la palabre généralisée et préalable à toute décision importante soit inscrit dans la Constitution. Il oublie que notre texte fondateur affirme déjà que le pouvoir « appartient au peuple et à ses représentants ». Donner aux syndicats, qui ne représentent que 7% des salariés français (et encore pratiquement uniquement des fonctionnaires), une telle importance est évidemment une avancée considérable dans la course à la démagogie.

Mais si la démagogie est, bien sûr, payante un temps, sur le plan électoral, elle a son revers.

Tout le monde se réjouit aujourd’hui de la « Conférence sociale » qui s’est tenue lundi et mardi au Conseil économique, social et même environnemental. De Laurence Parisot à Bernard Thibault, en passant par François Chérèque et Jean-Claude Mailly, c’est « Embrassons-nous, Folleville ». Mais qui peut croire un seul instant que la patronne des patrons et les représentants de la CGT, de la CFDT et de FO pourront se mettre d’accord sur un seul des sujets brûlants à aborder ?

Elle refuse toute augmentation des impôts, ils ne veulent pas entendre parler d’une baisse des dépenses, elle veut retarder davantage encore l’âge de la retraite, ils veulent la ramener pour tous à 60 ans, elle veut de la « flexibilité » pour les entreprises, ils veulent l’interdiction des licenciements, etc.

Chacun est d’ailleurs dans son rôle et leur rôle n’est pas d’être affectueux avec les uns ou les autres mais de défendre, bec et ongle, les intérêts de leurs mandants, pour ne pas dire de leur « classe ». A moins que l’un des deux ne trahisse sa cause et les siens, jamais Laurence Parisot et Bernard Thibault ne pourront se mettre d’accord sur quoi que ce soit, même pour faire plaisir au gentil Hollande, au sérieux Ayrault, à l’aimable Sapin ou à Montebourg-le-charmeur.

Hollande se donne un an pour tirer toutes les conclusions de ces discussions. C’est doublement absurde. D’abord, parce que, sauf s’il n’est vraiment qu’un capitaine de pédalo, il sait parfaitement que ces tables rondes ne feront que tourner… en rond jusqu’au clash final inévitable. Ensuite, parce que la situation du pays ne permet pas de donner ainsi « du temps au temps » alors qu’on annonce partout de nouvelles fermetures d’usines et de nombreux plans de licenciements.

Le temps n’est pas aux palabres inutiles. Un président qui a tous les pouvoirs ne peut pas éternellement se défausser sur les lampistes et doit prendre ses décisions lui-même, même si elles risquent de décevoir ses électeurs en leur ouvrant les yeux sur les réalités.

Thierry Desjardins

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