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17/4/12 Thierry Desjardins
            Bonnet d’âne contre bonnet phrygien !

L’ennui avec les présidentielles à deux tours, c’est que quand on ne veut pas d’un candidat on est bien obligé de choisir l’autre. L’abstention, les votes blancs ou nuls n’ont aucune valeur, aucun intérêt. Refuser de choisir, même entre la peste et le choléra, c’est se mettre hors-jeu et s’interdire de pouvoir râler, après.

Jamais, depuis les débuts de la Vème République, les deux candidats présumés finalistes n’ont suscité aussi peu d’adhésion, d’enthousiasme que François Hollande et Nicolas Sarkozy aujourd’hui.

La majorité des Français a aimé de Gaulle, apprécié Pompidou, cru que le jeune Giscard ferait des merveilles, espéré que Mitterrand allait ouvrir un monde nouveau, trouvé Chirac sympa et pensé que Sarkozy pourrait, avec sa « rupture », sauver le pays.

Aujourd’hui, personne ne croit une seule seconde que ni Sarkozy (qui a fait ses preuves) ni Hollande (candidat par défaut) n’ont la moindre capacité à réduire le chômage et la précarité, à combler la dette et à redonner un avenir à la France.

On va voter contre l’un parce qu’on ne peut plus le supporter et que son bilan est épouvantable ou contre l’autre parce qu’on ne veut pas, en cette période de crise, d’une nouvelle expérience socialiste et qu’en plus il n’a même pas su faire rêver.

Mais chacun sait parfaitement que, quel que soit le vainqueur, il fera pratiquement la même chose que ce qu’aurait fait l’autre, oscillant tant bien que mal entre les exigences de la rigueur et des espoirs de croissance. Et que donc, que ce soit Sarkozy ou Hollande, le chômage, la dette et les prélèvements obligatoires vont continuer à augmenter.

« Blanc bonnet, bonnet blanc », avait dit Duclos en 1969 devant le face-à-face qui opposait Pompidou à Poher. Cette fois, c’est bonnet d’âne contre bonnet phrygien.

Les sortants (président ou Premiers ministres de cohabitation) ont toujours porté un bonnet d’âne : Giscard en 81, Chirac en 88, Balladur en 95, Jospin en 2002). A croire qu’il y a une malédiction pour ceux qui sont au pouvoir ou, plutôt, qu’aucun de nos dirigeants, ni de droite ni de gauche, n’est jamais capable de redresser le pays et de redonner un peu d’espoir aux Français. Il est évident que Sarkozy se présente, cette fois, avec un bonnet d’âne.

Mais le bonnet phrygien de Hollande n’est pas flamboyant. Voulant faire sérieux pour séduire au centre, tentant d’imiter Mitterrand mais ressemblant surtout à Guy Mollet, son bonnet phrygien n’est qu’un passe-montagne au milieu d’une foule qui brandit déjà la tête de Sarkozy en haut de ses piques.

On dira peut-être un jour que Hollande a eu grand tort de s’acoquiner avec les Ecologistes (par un accord Aubry-Duflot que personne ne respectera) et d’abandonner à Mélenchon toute la gauche de la gauche. Il était évident qu’ayant choisi Eva Joly pour porter leurs couleurs, les Verts allaient disparaître dans la campagne et il aurait suffi à Hollande de sortir de ses bureaux feutrés pour comprendre que les « indignés » de Stéphane Hessel, les « défavorisés » de nos banlieues et de nos régions détruites par la désindustrialisation ainsi que les « révoltés » de tout poil représentaient, comme jamais, une vraie force dans le pays.

En gagnant des voix sur sa gauche, Hollande en aurait perdus sur sa droite, mais il aurait donné à sa conquête du pouvoir un souffle qui lui a diablement manqué.

On dit les Français déçus par la médiocrité de cette campagne électorale au cours de laquelle les candidats se sont courus après dans une surenchère pitoyable (à propos des traités européens ou sur la fiscalisation des plus riches) et souvent sur des sujets dérisoires (la viande halal, le permis de conduire, etc.).

En fait, les Français sont surtout affolés par la situation du pays et la leur personnelle et sourient amèrement quand l’un leur promet « Une France forte » et l’autre « Le changement maintenant ».

On leur a déjà promis « La rupture » (Sarkozy), la fin de « La fracture sociale » (Chirac), « La force tranquille » (Mitterrand), « Le chantier de réformes » (Giscard). Et il y a maintenant plus de 12 millions de pauvres dans le pays et plus de 4 millions de chômeurs. Ils savent donc que la France est à bout de « force » et que le « changement » n’aura pas lieu.

Mais, même si le bonnet phrygien a l’air tout flapi, ils refuseront sans doute au bonnet l’âne le droit de redoubler. Sans enthousiasme ni illusions.

Thierry Desjardins


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