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25/6/14 Thierry Desjardins
      Alstom : la triple défaite que tout le monde
                                    applaudit !
 
Décidément c’est décourageant. On part quelques jours en vacances, histoire de prendre un peu l’air et avec l’espoir que tout va s’arranger pendant ce temps-là comme par miracle, on revient et tout est encore pire qu’avant.

Ne parlons même pas des grèves en tous genres - SNCF, contrôleurs aériens, intermittents du spectacle, marins des lignes sur la Corse, etc. - nous y sommes habitués, cela fait partie de notre folklore national. Non, là où cela s’est plutôt aggravé ces derniers jours, c’est au niveau de notre docilité, de notre soumission.

Le pays continue à dégringoler inexorablement. Plus personne n’ose parler du chômage et ce pouvoir qui nous avait juré sur tous les tons qu’il baisserait l’année dernière murmure maintenant qu’il espère le… « stabiliser » cette année.

Dans un pays « normal », l’opposition, la presse et l’opinion auraient hurlé devant cet aveu d’impuissance et cet engagement non tenu.

Plus personne n’ose évoquer les 50 milliards d’économies promis à la légère par un président qui, jusqu’à présent, n’a su qu’augmenter les prélèvements et s’est montré totalement incapable de diminuer les dépenses. Dans un pays « normal », l’opposition, la presse et l’opinion auraient hurlé devant cette politique de gribouille. Jusqu’à présent, il n’y a eu que « les frondeurs du PS » à oser élever un peu la voix.

Mais le plus stupéfiant reste l’affaire Alstom. Tout le monde, l’opposition, la presse et l’opinion, applaudit Montebourg, Valls et même Hollande. Ils auraient bien joué. Ils auraient sauvé Alstom, l’une des entreprises les plus prestigieuses de l’industrie française, sauvé des milliers d’emplois, sauvé l’honneur en étant intransigeants sur le nationalisme économique.

En écoutant les uns et les autres et en lisant les commentaires, de droite comme de gauche, on pourrait croire que l’Elysée, Matignon et Bercy ont réussi non seulement à bouter hors de France les Américains de General Electric qui voulaient s’emparer de ce fleuron de notre économie, mais aussi les Allemands de Siemens et leurs alliés traditionnels japonais qui lorgnaient, eux aussi, sur Alstom, et qu’ils ont pu trouver quelques capitalistes français, bien de chez nous, prêts à renflouer le créateur du TGV et le fabricant de nos centrales nucléaires pour le sortir d’une mauvaise passe.

Mais pas du tout. Les amateurs qui nous gouvernent ont totalement capitulé. Ce sont les Américains de General Electric dont ils ne voulaient à aucun prix qui deviennent les vrais, seuls et uniques patrons d’Alstom et, pour mieux « collaborer » avec « nos vainqueurs », l’Etat va racheter 20% du capital à Bouygues, ravi de se désengager de cette entreprise devenue américaine et bien décidé à faire monter les enchères.

Autant dire que cette opération que tout le monde applaudit est une triple défaite : les Américains ont gagné, l’Etat nationalise les miettes et le contribuable français va devoir payer au prix fort les miettes en question.

Quand Montebourg, ce nostalgique inconséquent des nationalisations de 1981, nous raconte que l’accord donne toutes les garanties sur la gouvernance d’Alstom, que tout restera en France et que cet Alstom « made in USA » créera des centaines d’emplois en France, il fait évidemment rigoler tous ceux qui connaissent le cynisme des grands patrons américains et le monde des affaires en général.

On dira qu’Alstom ne s’en sortait plus et qu’aucun capitaliste français ne voulait mettre au pot les quelques milliards nécessaires. C’est déjà ce qu’on avait dit à propos de PSA Peugeot-Citroën et même à propos de notre sidérurgie lorraine. Or, même si leurs dirigeants ont sans doute commis quelques erreurs de gestion, Alstom, PSA et Florange étaient trois grandes entreprises de haut niveau, sans doute capables, à terme, après être sortis d’une mauvaise passe, de relever tous les défis internationaux. La preuve : les Américains, les Chinois et les Indiens s’y sont intéressés. Et personne ne peut croire qu’il n’y a pas, dans « les bas de laine » de nos grands capitalistes français, les fonds nécessaires qui auraient permis de sauver ces fleurons de notre industrie.

Le problème est donc de savoir pourquoi les entreprises françaises de ce niveau ne s’en sortent plus et pourquoi les capitalistes français qui existent encore ne croient plus en l’avenir de l’industrie française. Il y a quelque chose qui ne va pas dans l’économie française. On s’en doutait depuis quelque temps !

Mais tant que tout le monde applaudira béatement à chacune de nos défaites il y aura peu de chances qu’on ose aborder la question de fond. On brade aux étrangers et on nationalise pour avoir bonne conscience, alors qu’il faudrait évidemment tout réformer et libérer nos entreprises, des plus grandes au plus petites, de tous les carcans qui les étranglent depuis des décennies.

Mais la nouvelle mode, depuis quelques jours, est de croire que le quinquennat a pris une nouvelle tournure. Alors, forcément, la lucidité n’est plus vraiment de mise…

Thierry Desjardins


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