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8/3/06 | Général Bigeard |
La France a besoin d'un choc salvateur Constat de faillite Aujourd'hui, rares sont ceux prêts à tout donner sans rien demander, comme le faisaient les hommes que j'ai commandés. Ceux qui sont dans cet état d'esprit, et heureusement il en reste, passent pour être des naïfs, des idéalistes d'un autre temps. Ce qui m'inquiète, de nos jours, ce qui m'obsède presque, c'est le pourrissement moral d'un pays où toutes les valeurs fichent le camp : plus aucun idéal, la notion de patrie a disparu ou est présentée comme dépassée, ringarde. Plus aucun souci de la grandeur de la France, goût de l'effort dévalué et découragé sur tous les plans, perte du respect dû aux anciens, formation civique délabrée et impuissante, quand elle existe et tant d'autres constats douloureux. Ce constat désabusé, ce constat de faillite, de faillite morale d'abord et avant
tout, je lui ai donné un nom: c'est la "démolisation", mélange de démolition
et de démobilisation. Le problème dépasse les simples indélicatesses financières, ou les magouilles peu glorieuses, de certains. Non, ce à quoi je veux faire allusion, c'est cette impression que le monde politique a complètement abdiqué. Il n'est plus capable de sécréter en son sein une ambition pour la France, portée par un dirigeant prêt à la mettre en oeuvre et à donner à ses concitoyens la fierté d'être français. Défense nationale La capacité d'un pays à résister par les armes à un adversaire est quelque chose d'absolument vital et crucial. Vital pour l'existence de la France et crucial pour l'esprit de combat qui doit animer ses habitants. Dans ce domaine, il n'y a aucune économie à faire. Bien au contraire. On doit plutôt rompre avec une politique du " flux tendu " qui porte en permanence nos forces armées à l'extrême limite, ou presque, de leur point de rupture. Tout cela à cause d'une professionnalisation bâclée, d'une " avancée " démagogique, la fin de la conscription, que rien n'est venu remplacer. La conscription, on le sait, je suis pour. "J'étais" pour, devrais je dire ! Elle est, selon moi, l'outil idéal pour donner aux jeunes la fierté d'être français et pour entretenir cette fierté. Elle permet de dépasser les clivages sociaux et de faire vivre concrètement ce qui compose la nation et sa défense par les armes. Réarmement moral: il n'y a aucun domaine dans lequel cette expression soit mieux choisie que dans celui de la Défense. Voilà pourquoi je suis partisan d'une forte augmentation du budget consacré aux armées, ainsi que de l'effectif des personnels affectés à la défense du pays. Constitution européenne Ce texte, j'ai voté contre, parce qu'à mes yeux il ne répond pas à l'attente des citoyens de l'Union européenne. Je revois Chirac et Schröder, se tenant la main, se congratulant d'être les leaders de l'Europe. Or la France et l'Allemagne étaient malades. L'association de deux malades n'a jamais donné la santé ! Turquie Pour moi, la Turquie est le prochain enjeu majeur de l'islamisme. Voilà pourquoi je m'oppose résolument, totalement, absolument à l'entrée de la
Turquie dans l'Union européenne et même à l'ouverture de négociations allant dans ce
sens. L'Europe, je le crains, paiera très cher son aveuglement. Il est temps, grand temps
d'arrêter de jouer avec le feu. Islamisme Oui c'est sérieux ! Très sérieux même, car le voile n'est qu'une étape, la
première, pour imposer à la France, comme à tous les pays occidentaux, des conceptions
qui sont radicalement étrangères à notre identité, à notre histoire et à notre
culture. Eh bien, je prends le pari qu'en France, d'ici quelques années, les idolâtres du
politiquement correct feront passer pour un acte de racisme insupportable le fait de
refuser à des musulmans français ou vivant en France de s'adresser à des tribunaux
religieux, appliquant un droit à la fois moyenâgeux et inhumain. Immigration Si un immigré a, bien entendu, des droits, il a aussi des devoirs et l'immigré qui ne veut pas s'intégrer à la culture de son pays d'accueil ne fait que scier la branche sur laquelle, pourtant, il veut s'asseoir. Je reviens sur ma consternation le soir du deuxième tour de l'élection
présidentielle de 2002, lorsque j'ai vu une cohorte de jeunes des banlieues, issus de
l'immigration maghrébine, brandir et agiter fièrement, place de la République, devant
le couple Chirac, des drapeaux algérien et marocain. Je reviens également sur l'ascendant que prend, chaque jour un peu plus, l'islam dans
notre pays, mais surtout l'islamisme. Qui aurait pu prévoir cela dans ma jeunesse ? Qui
aurait imaginé le bouleversement de notre nation ? Terrorisme islamiste Arrêtons-nous encore sur le problème du terrorisme islamiste : L'Europe, l'Europe des
25, croit être une forteresse imprenable, tellement bien défendue qu'aucun danger ne
peut la menacer. Elle est fière de sa puissance économique, de sa richesse, du niveau de
vie de ses habitants, de ses institutions politiques, des démocraties qui fonctionnent
plutôt bien, même si évidemment beaucoup de choses sont perfectibles. Repentance La France est la risée du monde entier. Et parmi nos attitudes, pour le moins
discutables, parmi les nombreuses " repentances ", comme on jargonne
aujourd'hui, la plus récente vaut le détour. Mais pourquoi aller se coucher comme ça, alors que tout le monde sait qu'il s'agissait
d'une autre époque ? Pourquoi éprouver le besoin de se repentir, quand les autres ne le
font pas, quand les autres, de plus, ne l'exigent pas et comprennent mieux la situation
que nous ne la comprenons nous mêmes ? Retraites Les retraites dont les générations actives, entre 1945 et 1990, pour simplifier, bénéficient, sont vouées à rester une exception dans notre système économique. Et non pas la règle, comme le croient tant de nos concitoyens. J'ose le dire, j'ose l'écrire, ce niveau exceptionnel des retraites, du jamais vu dans notre histoire, ne se reproduira sans doute plus. La récente refonte de notre système de pensions par Raffarin en est la meilleure preuve. 35 heures Il faut avoir le courage de remettre en cause les avantages hérités de cette période
riche, les fameux " acquis sociaux ". Modèle français Que dire de ce " modèle français" en matière économique quand on a une
dette publique aussi forte ? La France est paralysée sur ce plan. On ne peut pas
entreprendre de grands projets, conçus pour le long terme, quand le poids du
remboursement de la dette est écrasant ! Prélèvements obligatoires Autre spécificité française : l'importance des prélèvements obligatoires, c'est à dire des impôts, taxes, redevances et cotisations de tous ordres. En France, ils dépassent, depuis longtemps d'ailleurs, les 40 % du produit intérieur brut, c'est à dire des richesses créées chaque année par notre travail. En clair, chaque fois que nous produisons un euro, la moitié ou presque sert à remplir les caisses de l'État. Le Japon ou les États Unis auraient beaucoup de leçons à nous donner dans le domaine économique. Ce sont des pays dynamiques, travailleurs. Je ne peux pas penser que ce qu'ils réussissent, la France soit incapable de le réaliser. Pourtant, il faut croire que c'est le cas. Le modèle français n'a que des échecs à proposer en matière de chômage et de déficits. Justice En ce qui concerne la justice, je suis partisan d'une indépendance totale du pouvoir
judiciaire. Il faut que le cordon ombilical avec les dirigeants politiques soit coupé.
Une fois pour toutes. Il faut des juges responsables de leurs actes, qui puissent être
sanctionnés pour leurs erreurs aussi, par leurs supérieurs hiérarchiques. Les Français
ne retrouveront confiance dans les institutions du pays que si la justice est crédible.
Si on reste dans l'illustration de l'adage " selon que vous serez puissants ou
misérables ", la crise morale du pays continuera de plus belle. Et le lien social,
déjà très distendu, sera foutu. Chirac Chirac ou la politique du pire! Chirac a " exécuté " tant d'hommes de son bord : Jacques Chaban Delmas d'abord, en 1974. Raymond Barre ensuite, un brillant professeur d'université égaré en politique, Édouard Balladur enfin. Et j'en ai certainement oubliés. Eh bien oui ! comme on l'a compris, Jacques Chirac ne correspond pas à l'idée que je me fais d'un président de la République. Villepin Dominique de Villepin a été nommé Premier ministre au début du mois de juin 2005.
Avec lui un nouveau souffle devait parcourir la France. Il devait faire la preuve d'une
volonté politique réelle de la part de nos gouvernants pour procéder à de vraies
réformes, à des réformes de fond. Sarkozy On entend souvent dire que Sarkozy est lui même son propre ennemi. Si l'on se souvient
de l'élection présidentielle de 1995, on est forcé de reconnaître qu'il y a une grande
part de vrai dans cette affirmation. Aujourd'hui, quand je vois notre ministre de l'Intérieur sauter d'une ville à l'autre, d'une chaîne télé à une autre, je me demande s'il n'en fait pas un peu trop, s'il n'y a pas derrière tout cela beaucoup plus d'agitation que de résultats, beaucoup de bruit pour rien en d'autres termes. Tel qui jouit d'une cote de popularité flatteuse à un moment donné n'est jamais
assuré de la conserver très longtemps. Ce que je lui reconnais, néanmoins, c'est
d'être un aiguillon qui pique régulièrement, là où ça fait mal, avec pour projet, le
changement radical. Réagir Alors, la France est elle prête à l'affrontement? Qu'il s'agisse de la fête nationale, le 14 Juillet, ou du souvenir des deux guerres
mondiales, le 11 novembre et le 8 mai, de la guerre d'Indochine, ou de celle d'Algérie,
de moins en moins de Français se sentent concernés. Je. souhaite vivre encore dans une société française fière de ses racines et de sa
spécificité., Et ce n'est pas une question de couleur de peau. C'est une question
d'état d'esprit, d'attitude. La seule protection réellement efficace qui vaille, c'est de sortir la France de son
inertie, de sa surdité et de son aveuglement. Je ne cesse de l'écrire tout au long de ces pages, la France est entrée dans un
processus de déliquescence. J'ai l'impression tenace que, si le cours des choses ne
change pas radicalement, le pays va à sa perte. Qu'il est en voie de désagrégation et
que ce n'est pas son identité seule qui est menacée, mais bel et bien jusqu'à son
existence. Je pourrais, sur les affaires, rédiger des livres entiers. Mais en résumé, que faut
il retenir de ce constat ? Tout simplement que, pour sortir la France de sa torpeur, l'une
des toutes premières conditions est de restaurer la morale publique dans le pays. Nos dirigeants doivent être des gens propres, irréprochables, ce ne sera qu'à cette
seule condition qu'on pourra au moins les écouter et les prendre au sérieux. La démission est allée trop loin, dans tous les domaines, pour que la France n'ait pas besoin d'un choc salvateur, susceptible de lui permettre de retrouver sa vraie vocation. La vertu de l'exemple Quand on est comme moi un fils du peuple, parti de rien, seul avec ses idées, on sait, on sent, de manière instinctive, ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire. Et la première chose que j'ai comprise, c'est qu'on ne fait jamais rien quand on est seul. Voilà pourquoi j'ai toujours voulu être un exemple pour mes hommes, être quelqu'un de propre, qu'on avait envie de suivre, avec qui on voulait aller au combat. Le succès d'une armée, d'une entreprise ou d'un pays dépend, avant toute chose, de la qualité du chef, de celui qui dirige. Je l'ai répété à longueur de pages dans ce livre, car ce qui est valable pour une entreprise l'est également pour la tête du pays, comme pour un bataillon. A la recherche de l'homme providentiel J'avoue que je suis tout de même pessimiste sur le plan politique pour notre avenir. Je cherche l'homme providentiel. Ma vision de la France peut paraître pessimiste. (Extrait de " Adieu ma France ", du général Bigeard (Editions du Rocher). |