www.claudereichman.com


Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme

A la une

9/1/12 Robert Barro
                Une stratégie de sortie de l'euro !

Jusqu'à récemment, l'euro semblait destiné à couvrir toute l'Europe. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Aucun des pays européens extérieurs à la zone euro ne semble vouloir adopter la monnaie commune. Sept pays de l'Europe de l’Est qui ont rejoint récemment l'Union européenne (Bulgarie, République tchèque, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne et Roumanie) ont annoncé leur intention de revoir leurs obligations d’adopter l'euro.

Deux membres de l'U.E., le Royaume-Uni et le Danemark, ont fait entériner des décisions explicites de ne pas adopter la monnaie commune, et leur opinion publique s’est récemment tournée fortement contre l'euro. En Suède où il manque une disposition formelle de ne pas l’adopter (mais qui a habilement refusé de remplir une des conditions pour son adhésion), un sondage en novembre pour joindre ou non l'euro a été massivement rejeté à 80%.

À la lumière de la réponse politique à la crise, qui continue à pencher fortement en faveur d’une entité politique centralisée qui sera probablement encore plus impopulaire que la monnaie commune, je suggère qu'il serait préférable d'inverser le cours et d'éliminer l'euro. (1)

Lorsque le Royaume-Uni s'est demandé s’il devait rejoindre la monnaie unique au milieu des années 1990, mon avis était que les avantages en faveur de l'adhésion - amélioration des échanges internationaux de biens et de services et des transactions financières - étaient plus que compensés par la participation requise aux politiques sociales, réglementaires et fiscales. Pourtant, je pensais que le Royaume-Uni devait adhérer s’il pouvait juste obtenir que la monnaie fût commune.

Maintenant je pense que l'option d'une union monétaire sans le reste des bagages encombrants est un rêve impossible. La monnaie unique est inévitablement liée à une banque centrale commune jouant le prêteur en dernier ressort. Cette configuration crée des caractéristiques importantes de l'union fiscale, comme l’ont montré les sauvetages de la Grèce, du Portugal, de l'Irlande, de l'Italie et de l'Espagne.

La réaction politique à chaque étape de la crise en cours a été de renforcer l'union par un renflouement des Etats membres en difficulté par l'U.E. et par le Fonds monétaire international, par l'engagement plus important de la Banque centrale européenne, et par plus d'influence sur les politiques budgétaires de chaque gouvernement. Une monnaie commune dans une zone de libre-échange conduit inéluctablement vers une entité politique centralisée.

Malgré certains avantages d'économie d’échelle, le coût de fusion de populations hétérogènes, avec des histoires, des langues et des cultures disparates, en une seule nation pourrait être prohibitif.

Un contre-exemple est les Etats-Unis qui ont prospéré avec une politique budgétaire commune, malgré le renflouement par l’Etat fédéral de certains États en crise dans le plan de relance de 2009-10. La grâce salvatrice est que, sauf pour le Vermont, les États fédérés ont une longue histoire de l'exigence de l’équilibre budgétaire. Cependant, avec la croissance des programmes non financés des pensions et des soins de santé des fonctionnaires des Etats fédérés, l’exigence de l’équilibre budgétaire est devenue moins significative. Les problèmes budgétaires structurels dans le système fédéral américain peuvent éventuellement devenir aussi graves que ceux rencontrés en Europe.

L'U.E. précise avec force détails comment les pays candidats peuvent se qualifier pour l'euro, mais il n'offre aucune recette de sortie ou d'expulsion. Une possibilité serait de commencer par exclure les membres les moins qualifiés, en fondant la décision sur le manque de discipline budgétaire ou d'autres critères économiques. La Grèce est un candidat évident à l’expulsion de la zone euro. Mais au lieu de l'expulsion, la réaction de l'U.E. a été de fournir un plan de sauvetage suffisant pour dissuader le pays de la quitter. (2)

Un meilleur plan est de commencer par le haut. L'Allemagne pourrait créer une monnaie parallèle avec un nouveau Deutsche Mark, avec une parité de un avec l'euro. Le gouvernement allemand garantirait que les détenteurs d'obligations du gouvernement allemand pourraient convertir des titres en euros dans la nouvelle monnaie à une certaine date, fixée peut-être dans deux ans. Les contrats privés allemands en euros pourraient être modifiés à cette même échéance. Durant cette période de transition, les deux monnaies parallèles fonctionneraient.

D'autres pays pourraient suivre le même chemin avec la réintroduction progressive de leur propre monnaie sur une période de deux ans. Par exemple, l'Italie pourrait avoir une nouvelle lire à parité avec l'euro. Si tous les pays de la zone euro suivaient ce processus, la disparition de la monnaie unique en 2014 ressemblerait à celle de la disparition des onze monnaies nationales en 2001.

Une question clé pour la transition est d'éviter de fortes réductions de valeur des obligations du gouvernement de l'Italie et d’autres membres faibles de la zone euro. Après tout, la question qui a poussé sans cesse à une intervention croissante de Berlin et de Paris au cours des derniers mois a été la perte réelle ou potentielle de la valeur des obligations du gouvernement de la Grèce, de l'Italie et des autres Etats faibles. Les gouvernements et les marchés financiers craignent que ces dépréciations conduisent à des faillites bancaires et des crises financières en France, en Allemagne et ailleurs.

Les inquiétudes au sujet de la valeur des obligations d'État sont rationnelles, car il est difficile de savoir si, même avec l'assistance du centre, l’Italie et les autres membres de la périphérie seront capables et désireux de respecter leurs obligations en euros à long terme. Un nouveau (ou restauré) système de monnaies nationales serait plus crédible, parce que l'Italie devrait être en mesure et désireuse de respecter ses obligations libellées en lires nouvelles. Cette crédibilité repose sur celle qui prévalait avant 1999, où les obligations de l'Italie et d’autres pays de la zone euro étaient libellées dans leurs propres monnaies. L'ancien système était imparfait, notamment en permettant à certains pays d'avoir une inflation plus forte que celle de leurs voisins, mais il est clair que ce serait beaucoup mieux que la configuration actuelle.

Ma prédiction est que l'annonce du retour à l’ancien système augmentera la valeur des obligations allemandes, parce que l'Allemagne a une forte crédibilité individuelle et qu’elle n'aurait plus à prendre soin de ses voisins faibles. Même les obligations italiennes et celles d'autres pays faibles seraient susceptibles d'augmenter en valeur parce que les préoccupations concernant leurs crédibilités individuelles seraient compensées par l'amélioration du fonctionnement du système (complètement bloqué à l’heure actuelle) avec le retour progressif aux monnaies nationales.

L'euro a été une expérience noble, mais elle a échoué. Au lieu de perdre plus d'argent avec l'élargissement des missions de la B.C.E. et le développement de fonds de sauvetage toujours plus grands, il conviendrait mieux de réfléchir sur la meilleure façon de revenir à un système de monnaies nationales.

Robert Barro

Notes du traducteur :

(1) Un référendum d’initiative populaire en faveur du maintien ou non dans la zone euro devrait être organisé en France mais aussi dans tous les Etats membres de la zone euro, car les arrogants dirigeants européens ne tiennent jamais compte de l’avis des peuples, comme l’ont montré les consultations organisées en France et aux Pays-Bas en 2005. Une majorité lucide de citoyens ne voulait pas d’une usine à gaz technocratique, mais les dirigeants se considéraient plus intelligents (ou plus malins pour certains…) que leurs peuples en bricolant un nouveau traité dit de Lisbonne à peine édulcoré. Or c’est le contraire qui est vrai. Les peuples sont beaucoup plus clairvoyants que leurs dirigeants politiques dont ils doivent se débarrasser le plus vite possible sous peine de sombrer dans une longue dépression par leur entêtement impardonnable. «La route de l’euro ne mène nulle part», comme l’a écrit Austan Goolsbee, professeur d’économie à l’université de Chicago et ancien président du conseil économique du président Obama. A relire son article sur ce site.

(2) Comme d’autres économistes lucides, je ne cesse de marteler que la Grèce ne remboursera jamais ses dettes. Il faut lui rendre le plus vite possible son indépendance monétaire en convertissant les nouvelles obligations du gouvernement grec en drachmes. Ainsi les investisseurs potentiels seraient avertis des risques énormes qu’ils encourent à remplir le tonneau des Danaïdes. Sous prétexte de «solidarité européenne», les contribuables des autres pays devraient continuer à payer les fonctionnaires grecs des finances qui ne foutent rien pour faire rentrer l’argent dans les caisses de l’Etat. La construction européenne n’est après tout que du socialisme avec des fourmis devant toujours payer l’addition de cigales irresponsables. De plus, le maintien de la Grèce dans la zone euro est irréaliste sur un plan politique car pour avoir une chance de réussir, il faudrait mettre ce pays sous tutelle financière. Or la violence de la populace à Athènes et la haine concomitante à l’égard de l’Allemagne ont clairement montré l’impraticabilité d’une telle solution. Mais nos élites s’entêtent dans leur voie sans issue. La folie consiste à répéter la même action en pensant obtenir un résultat différent, disait Albert Einstein. Une raison de plus de nous débarrasser des incapables lors des élections en 2012. Vivement un Tea Party en France pour renouer avec la croissance et la prospérité !

Accueil | Articles | Livres | Agenda | Le fait du jour | Programme