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Entre ATTAC et nous, il y a au moins un point d'accord : le monopole de la Sécurité sociale est supprimé

20/6/04
Le mouvement anti-mondialiste ATTAC publie sur son site internet un long article dans lequel il reconnaît (pour la critiquer) la fin du monopole de la Sécurité sociale. Nous le reproduisons ci-après.

Europe et sécurité sociale

Si, dans le texte du projet de traité constitutionnel européen, on recherche les mots " sécurité sociale ", on découvre qu'ils n'apparaissent qu'une seule fois (pour 263 pages) à l'article 234 :

" L'union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans le cas tels la maternité, la maladie, les accidents du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu'en cas de perte d'emploi, selon les règles établies par le droit de l'Union et les législations et pratiques nationales ".

En clair, pour les rédacteurs du projet, la sécurité sociale n'est un droit que selon les règles déjà établies par l'Europe et les règles nationales.

Il est donc légitime de vérifier où en sont les directives européennes et les lois françaises.

Les objectifs de l'Union européenne étant, toujours selon le même projet de traité   "d'offrir ... un marché unique ou la concurrence est libre et non faussée ", il est important de voir comment les directives européennes concilient ce principe avec celui de la sécurité sociale, c'est-à-dire celui de la solidarité.

Ce principe de solidarité : " chacun cotise selon ses revenus et reçoit selon ses besoins ", s'oppose à la logique de l'assurance privée ou chacun cotise selon ses risques potentiels : jeune et en bonne santé, la cotisation sera faible, vieux et malade, la note sera salée.

Pour fonctionner, la sécurité sociale doit disposer d'un monopole de couverture de l'assurance maladie, sinon, ceux qui présentent le moins de risques iront vers les assurances privées (moins chères pour eux) et la sécurité sociale, privée de ressource disparaîtra.

Très logiquement ce monopole est donc le premier obstacle que les libéraux ont tenté de lever :

Dés le 11 août 1992, la directive 92/49/CEE du Conseil, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe était publiée au Journal officiel des Communautés européennes. Elle stipule :

" Considérant que le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures et implique l'accès à l'ensemble des activités d'assurances autres que l'assurance sur la vie dans toute la Communauté et, dès lors, la possibilité de couvrir n'importe quel risque parmi ceux visés à l'annexe de la directive 73/239/CEE ; qu'à cet effet il est nécessaire de supprimer tout monopole dont jouissent certains organismes dans certains Etats membres pour la couverture de certains risques. " (Point 10).

Au cas où il subsisterait une ambiguïté, la directive 73/239/CEE, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 16 août 1973, précise que " Les risques visés à l'annexe sont notamment ceux- ci : " 1. Accidents (y compris les accidents du travail et les maladies professionnelles) prestations forfaitaires ,prestations indemnitaires, combinaisons, personnes transportées. 2. Maladie prestations forfaitaires, prestations indemnitaires, combinaisons. "

Le 9 décembre 1992, la directive 92/96/CEE du Conseil publiée au Journal officiel des Communautés européennes en rajoutait une couche :

" Considérant que, dans le cadre d'un marché intérieur, il est dans l'intérêt du preneur d'assurance que celui ci ait accès à la plus large gamme de produits d'assurance offerts dans la Communauté pour pouvoir choisir parmi eux celui qui convient le mieux à ses besoins. " (Point 20). A cet effet, il convient " de permettre à tous les preneurs d'assurance, qu'ils prennent l'initiative eux mêmes ou non, de faire appel à tout assureur ayant son siège social dans la Communauté. " (Point 3).

Restait à faire passer ces directives dans le cadre de la loi française : Les lois n° 94-5 du 4 janvier 1994 et n° 94-678 du 8 août 1994, portant transposition des directives 92/49/CEE et 92/96/CEE des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des Communautés européennes, ont modifié le code des assurances et le code de la sécurité sociale :

L'article L.931-1 du code de la sécurité sociale stipule : " Les institutions de prévoyance sont des personnes morales de droit privé ayant un but non lucratif, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants définis à l'article L. 931-3. Elles ont pour objet : a) de contracter envers leurs participants des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, de s'engager à verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants ou de faire appel à l'épargne en vue de la capitalisation et de contracter à cet effet des engagements déterminés ; b) de couvrir les risques de dommages corporels liés aux accidents et à la maladie ; c) de couvrir le risque chômage. "

Mais ce premier texte ne suffisant pas, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a, par un arrêt du 16 décembre 1999 (affaire C 293/98), condamné la République française " pour avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des directives. "

Le gouvernement français s'est donc fait attribuer par le Parlement le droit de légiférer par ordonnances (Loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001), parue au Journal officiel du 4 janvier 2001. C'est ainsi qu'a paru au Journal officiel du 22 avril 2001 l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992.

L'article 3 de l'ordonnance stipule : " Sont abrogées les dispositions de nature législative du code de la mutualité dans sa rédaction issue de la loi n° 85 773 du 25 juillet 1985 portant réforme du code de la mutualité, ainsi que les textes qui l'ont complétée ou modifiée. "

L'article L. 111-1 du code de la mutualité annexé à l'ordonnance stipule : " Les mutuelles peuvent avoir pour objet : 1) De réaliser les opérations d'assurance suivantes : a) Couvrir les risques de dommages corporels liés à des accidents ou à la maladie ; b) Contracter des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, verser un capital en cas de mariage ou de naissance d'enfants, faire appel à l'épargne en vue de la capitalisation en contractant des engagements déterminés ; c) Réaliser des opérations de protection juridique et d'assistance aux personnes ; d) Couvrir le risque de perte de revenus lié au chômage. "

Claude Reichman, animateur d'un groupe poujadiste pourfendeur de la sécurité sociale   (et qui à rappelé tous ces textes sur son site internet) pouvait ainsi conclure un article paru dans le Figaro : " Il ressort clairement de tous ces textes que les Français peuvent s'assurer librement, pour tous les risques relatifs à la maladie, la vieillesse, les accidents du travail et le chômage auprès de la Sécurité sociale, d'une société d'assurance, d'une institution de prévoyance ou d'une mutuelle. De nombreuses mutuelles françaises ont obtenu l'agrément des pouvoirs publics mais aucune à ce jour ne propose de contrats d'assurance maladie susceptibles de se substituer à la Sécurité sociale. Aucune société d'assurance française n'en propose non plus. Seules certaines sociétés d'assurance européennes pratiquent à l'heure actuelle les opérations ci-dessus décrites. "

Le cadre législatif est donc en place, le monopole de la sécurité sociale sur l'assurance maladie est déjà sérieusement entamé. Gouvernement et Medef n'ont plus qu'à parachever le dispositif en mettant en place toutes les mesures qui vont inciter les Français à " choisir " les assurances privées, au départ en proposant des tarifs attractifs, mais ensuite, comme le montre le modèle américain, en s'assurant de substantiels profits et en laissant à la collectivité le soin de boucher les trous béant ouverts dans la protection sociale collective.

 

 

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